• #Tunisie : la #morgue de #Sfax débordée par les corps de migrants

    D’une capacité de 35 places, la morgue de l’#hôpital de Sfax, dans le centre de la Tunisie, est actuellement à saturation : une centaine de corps de migrants sont en attente d’inhumation. La région concentre les départs d’embarcations chargées d’exilés vers l’Europe.

    Il n’y a pas assez de place pour les cadavres. D’après un responsable de la santé basé à Sfax, la morgue de l’hôpital, d’une capacité de 35 places, est à saturation : une centaine de corps de migrants sont en attente d’#inhumation.

    Face à la multiplication des décès en mer, les autorités tunisiennes locales souffrent d’un manque de capacités logistiques pour conserver ces corps, le temps que des tests ADN soient effectués pour identification et que des tombes soient réservées, explique Middle East Monitor.

    Ce n’est pas la première fois que la morgue de l’hôpital se retrouve dans cette situation. En mars 2023, les autorités avaient tiré la sonnette d’alarme, alors que 70 corps avaient été pris en charge.

    Pour répondre à l’urgence, le directeur régional de la santé avait lancé un appel « aux organisations de migration », en particulier l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), « pour soutenir les efforts du système de santé local en fournissant des conteneurs réfrigérés et un camion réfrigéré pour transporter les corps à l’hôpital ».

    En mai 2022 aussi, l’établissement avait reçu 92 corps de migrants morts en mer, tous originaires d’Afrique subsaharienne. Faute de place, une quarantaine d’entre eux étaient « entassés sur le sol », avait déploré le porte-parole du tribunal de Sfax, Mourad Turki.
    Des naufrages en chaîne

    Cette région du centre de la Tunisie est le principal point de départ des embarcations d’exilés en partance pour l’Europe. Et les naufrages sont très nombreux. Mercredi 10 avril, deux embarcations parties de Tunisie ont chaviré en mer. L’un au large de Lampedusa : neuf personnes, dont une fillette, sont décédés, et 15 sont portées disparues. Le second naufrage s’est produit au large des côtes tunisiennes, sans que l’on ne retrouve les 45 passagers du bateau.

    Parfois, il faut attendre des jours voire des semaines après un naufrage avant que la mer ne recrache des corps sur les différentes plages du pays.

    Début avril, les autorités tunisiennes avaient aussi récupéré 13 corps de migrants au large du pays. Le 25 mars aussi, cinq corps de migrants ont été retrouvés par les garde-côtes tunisiens, sur le littoral centre.
    « Le racisme ici a tout chamboulé »

    Au cours du premier trimestre 2024, plus de 21 000 personnes parties des côtes tunisiennes ont atteint l’Italie, a déclaré à la radio Mosaïque FM le porte-parole de de la Garde nationale tunisienne, Houssam Eddine Jebabli.

    Les exilés embarquent dans de frêles bateaux en fer complètement inadaptés aux traversées en mer, poussés par des conditions de vie très difficiles dans le pays. Le racisme anti-Noirs, attisé par des propos du président Kaïs Saïed, est légion dans la région de Sfax notamment. Forcés de quitter la ville, des centaines de migrants survivent depuis plusieurs mois dans des camps délabrés, le long d’une route, sous des oliviers.

    Pour ces exilés qui survivent dans le dénuement le plus total, la seule solution reste un départ pour l’Europe. « Quand je suis arrivé en Tunisie, c’était pour y rester et construire ma vie : obtenir l’asile, continuer mes études dans l’informatique, et travailler un peu en parallèle, a raconté à InfoMigrants Miguel, un migrant camerounais installé dans un des camps près d’Al-Amra. Mais le racisme qu’il y a ici a tout chamboulé. Ça a cassé tous mes rêves ».

    Désormais le jeune homme n’aspire qu’à une chose : prendre la mer direction l’Italie. Malgré la dangerosité de la traversée. En 2023, 1 313 personnes parties des côtes tunisiennes ont disparu ou sont mortes en #mer_Méditerranée, selon les chiffres du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Un nombre jamais atteint jusqu’ici.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/56547/tunisie--la-morgue-de-sfax-debordee-par-les-corps-de-migrants
    #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_Frontières #cadavres #identification #ADN #Méditerranée

  • #Liban. Sur les #traces des #disparus de la #guerre_civile

    Comment filmer la #disparition ? Traduire par l’image ce qui n’est plus ? C’est un travail de #remémoration contre l’#amnésie_officielle et collective, et donc un travail pour l’histoire, que propose l’équipe du film The Soil and the Sea (« La terre et la mer »), qui sillonne le Liban sur les traces des #charniers de la guerre civile.

    Image trouble, son étranglé, vagues menaçantes… The Soil and the Sea (« La terre et la mer ») commence littéralement à contre-courant, la caméra submergée dans une lutte contre les vagues, dont nous tire la voix de l’écrivain libanais Elias Khoury lisant en arabe son poème « La mer blanche ». Ce sauvetage n’est pourtant qu’une illusion : c’est bien une noyade longue d’un peu plus d’une heure qui commence avec le film réalisé par Daniele Rugo, véritable plongée cinématographique dans la violence de la guerre civile libanaise.

    Partant de la côte beyrouthine, le film nous fait entrer au Liban par le charnier méditerranéen qui le borde, cette mer dans laquelle la guerre a souvent dégurgité ses #cadavres. The Soil and the Sea interroge les disparitions, exhume les histoires des #victimes et de leurs familles, creuse les bas-fonds de près de quinze années de #guerre_civile.

    Un pays amnésique et imprégné de #violence

    Au Liban, 17 415 personnes auraient disparu de 1975 à 1990, pendant la guerre civile qui a opposé de très nombreuses factions locales et internationales, mais dont les victimes ont été en majorité libanaises, palestiniennes et syriennes. Ce chiffre est tiré de la recherche constituée par le Lebanon Memory Archive, un projet piloté par l’équipe du film qui met en lumière cinq sites libanais abritant des #fosses_communes datant de la guerre1. Massacres délibérés, emprisonnements, torture, enlèvements, assassinats arbitraires ou ciblés, des lieux tels que #Damour, #Chatila, #Beit_Mery, #Aita_Al-Foukhar ou #Tripoli, sont emblématiques de toutes les facettes de la violence devenue routinière dans le Liban des années 1980. Leurs noms seuls suffisent à réveiller le souvenir d’une opération militaire, d’une prison ou d’une hécatombe dont les histoires sont tues dans un pays qui s’est remis de la guerre civile en instaurant un fragile statu quo.

    Afin de saisir la force de The Soil and the Sea, il faut comprendre la portée politique du simple geste de prise de parole proposé par le film. Dans les années 1990, la principale barrière mise en place pour éviter de retomber dans les méandres d’un affrontement civil a été le #silence. Aucune #politique_mémorielle n’a été mise en place à l’échelle du pays, les programmes scolaires s’arrêtent notoirement à la veille de la guerre civile, et la guerre est un arrière-plan anecdotique dans les conversations des Libanais·es. Des organisations de la société civile plaident pourtant depuis longtemps en défense des familles des personnes disparu·es, et une loi de 2018 promettait même d’éclaircir leur sort, mais le silence reste de mise pour la majorité de la société libanaise. La faute en revient surtout à l’absence de politiques publiques et d’institutions dédiées : il n’existe pas au Liban d’histoire « objective » de la guerre, scientifiquement constituée, et admise par l’État et la population. The Soil and the Sea donne un exemple saisissant de cette #amnésie_collective avec l’anecdote d’une mère qui pose une plaque et plante un olivier en mémoire de son fils Maher, disparu devant la faculté des sciences dans la banlieue sud de la capitale. Alors que cette faculté relève du seul établissement supérieur public du pays - l’Université libanaise -, les étudiant·es et les professeur·es rencontré·es par la mère de Maher sont effaré·es d’apprendre qu’une fosse commune « de trente mètres de long » a été enfouie sous les dalles de leur campus à la suite d’une bataille entre des factions libanaises et l’armée israélienne pénétrant dans Beyrouth en 1982.

    Pour recomposer l’histoire d’un pays amnésique, The Soil and the Sea choisit d’enchaîner les #témoignages, comme celui de la mère de Maher. Les #récits sont racontés en « voix off », superposés à des images montrant les lieux banals, gris, bétonnés, où les Libanais·es foulent souvent sans s’en douter - ou sans y penser - les corps de centaines de leurs semblables. Les voix des proches ou des survivant·es qui témoignent sont anonymes. Seuls ces lieux du quotidien incarnent la violence. Le film offre l’image d’un Liban pâle et quasi désert, où l’immobilier aussi bien que la végétation ont recouvert les plaies mal cicatrisées de la guerre. Des silhouettes lointaines parcourent ruines antiques et bâtiments modernes, gravats et pousses verdoyantes, mais on ne verra jamais les visages des voix qui racontent, par-dessus des plans savamment composés, les disparitions des proches, l’angoisse des familles, parfois de précieuses retrouvailles, plus souvent des vies passées dans l’errance et la nostalgie. Filmant le présent pour illustrer les récits du passé, The Soil and the Sea met au défi l’expérience libanaise contemporaine en montrant des lieux imprégnés jusque dans leurs fondations par une violence rarement nommée, qui prend enfin corps à l’écran dans les récits des familles laissées pour compte. Le travail de mise en scène du témoignage oral est aussi soigné du point de vue de l’image que du son, les mots crus des proches étant délicatement accompagnés par les arrangements légers et angoissants de Yara Asmar au synthétiseur.

    Géographie de l’oubli

    Faut-il déterrer les cadavres ? Serait-ce rendre justice aux familles que de retourner aujourd’hui la terre, et risquer ainsi de raviver les blessures d’un pays jamais guéri de la violence ? Ces questions, posées par un survivant du massacre commis par les milices palestiniennes à Damour en 1976, reçoivent plus tard une réponse indirecte de la part de la mère de Maher : « S’ils exhument des restes, où est-ce que je les mettrais ? » Juxtaposant des témoignages qui se font écho, The Soil and the Sea devient un jeu de questions et réponses qui exprime le paradoxe de l’#amnésie libanaise. Aux dépens de nombreuses victimes et de leurs familles, l’oubli a été un geste d’amnistie qui a permis à la société libanaise de se reconstruire, d’élever des banques et de déployer des champs sur une terre ravagée par le conflit. Beaucoup de victimes ont aussi été acteur·rices de la violence, à commencer par Maher, mort au service d’une milice, dont le récit de la disparition entame et conclut le film. En exhumant leurs corps, on risquerait de raviver des colères enfouies avec eux. Au lieu de prendre un tel risque, et outre l’impossibilité matérielle et politique d’une telle entreprise, le documentaire et le projet de recherche auquel il s’adosse se contentent de recueillir des #souvenirs sans les commenter autrement que par des images du quotidien, familières à tous·tes les Libanais·es.

    L’absence de protagonistes à l’écran, le choix de filmer les lieux représentés à des moments où ils sont inhabituellement déserts, illustrent d’abord la #disparition, thème principal de l’œuvre. Nous, spectateurs et spectatrices, sommes invité·es dans ces espaces comme dans des arènes cinématographiques qui réverbèrent les récits de la violence et abattent le quatrième mur, nous mettant au centre d’un récit oral, musical et visuel. Nous qui foulons le sol libanais, nous qui partageons sa mer et contemplons ses espaces, sommes responsables de constater la violence gravée en eux, nous dit le film. Si on ne peut résoudre les disparitions sans raviver la violence qui les a causées, si on ne peut déterrer les cadavres sans risquer d’exhumer la guerre qui les a tués, on peut au moins admettre l’amnésie, s’en reconnaître responsable, et apaiser par des #actes_mémoriels la violence fantôme qui hante le Liban.

    The Soil and the Sea apporte sa pierre à l’édifice mémoriel par la constitution d’une #géographie qui relève un à un des #lieux de l’oubli libanais. Les récits qui permettent l’enquête ne sont jamais exhaustifs. Ils permettent d’incarner cette géographie, lui donnant le relief et la profondeur qui manquent aux images du quotidien libanais contemporain. Par des procédés fins et dépouillés, le film de #Daniele_Rugo nomme l’innommable, montre ce qui ne peut être montré, et parvient ainsi à nous remémorer notre #oubli.

    https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/liban-sur-les-traces-des-disparus-de-la-guerre-civile,7167
    #film #documentaire #film_documentaire

  • Espagne : enquête sur un trafic de cadavres de migrants algériens

    Une vingtaine de personnes, dont des employés des pompes funèbres, des assistants légistes et du personnel de l’administration judiciaire, est visée par une enquête de la justice espagnole pour avoir participé à un vaste réseau de trafic de cadavres de migrants algériens. Ils faisaient payer les familles des victimes pour identifier les corps, en dehors de tout cadre légal.

    Au moins 20 personnes font l’objet d’une enquête dans les villes espagnoles de Murcie, Alicante, Almería et Madrid, et quatre ont été interpellées ce week-end pour appartenir à une organisation de trafic de cadavres de migrants, révèle le média La Verdad. Parmi ceux visés par la justice figurent des employés des pompes funèbres, des assistants légistes et du personnel de l’administration judiciaire affecté à l’Institut de médecine légale de Carthagène.

    Les membres de ce réseau sont accusés d’avoir demandé de l’argent, en dehors de tout cadre légal, à des familles d’exilés algériens à la recherche de leur proche disparu lors de la traversée de la Méditerranée.

    La manière de procéder était bien rodée : ils publiaient la photo d’un cadavre de migrant sur les réseaux sociaux afin d’appâter les familles sans nouvelles d’un frère, d’un fils, d’un mari ou d’un père. Ils leur facturaient ensuite différentes sommes, dont le montant n’a pas été divulgué, pour permettre d’identifier le corps et de le rapatrier au pays. Pour l’heure, on ne sait pas si l’identification était formelle et que le défunt était bien celui que les proches recherchaient ou s’ils ont falsifié des documents.

    Les quatre personnes interpellées ont été placées en détention provisoire par le tribunal de Carthagène. « Ces détenus font l’objet d’une enquête pour appartenance à une organisation criminelle, escroquerie, falsification de documents publics et délits contre le respect des défunts », précise la note de la justice transmise aux médias espagnols.
    Absence de protocoles clairs et homogènes

    En Espagne, il n’existe pas de protocoles clairs et homogènes pour procéder à la recherche des personnes disparues et à l’identification des personnes décédées sur la route de l’exil. Le manque d’informations et de règles favorise depuis des années le développement d’intermédiaires entre les autorités espagnoles et les familles des défunts.

    De plus, les proches font souvent face au silence des autorités espagnoles – et algériennes. « Malheureusement, les États ne respectent pas leur obligation de recherche lorsque les personnes disparues sont des migrants », affirme l’association Caminando Fronteras.

    Dans les morgues, les manières de gérer les cadavres et les familles diffèrent de l’une à l’autre. Dans celle « de Murcie, on a été bien reçu », expliquait l’an dernier à InfoMigrants Abdallah, à la recherche de son cousin disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne depuis les côtes algériennes. « À Almeria, par contre, c’était plus compliqué. Il nous a fallu l’autorisation d’un commandant de gendarmerie pour vérifier qu’un cadavre qui correspondait aux caractéristiques physiques d’Oussama, et arrivé le jour supposé du naufrage, était bien celui de mon cousin. Malgré notre insistance auprès des autorités, nous ne l’avons jamais obtenue. C’était très dur pour nous. On nous a aussi interdit de voir les affaires personnelles retrouvés sur le corps. Alors qu’on a ce droit ».

    Les proches des exilés disparus peuvent faire appel à des associations, comme Caminando Fronteras, pour les aider dans leurs démarches et leur éviter de se faire escroquer par des personnes mal intentionnées.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/55761/espagne--enquete-sur-un-trafic-de-cadavres-de-migrants-algeriens

    #cadavres #trafic #trafic_de_cadavres #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #business #Espagne #Algérie #pompes_funèbres #enquête #migrants_algériens #identification #disparus #escroquerie #morgues

    • Los piratas de los muertos de las pateras: el negocio con los cuerpos de la inmigración irregular

      EL PAÍS revela el ‘modus operandi’ de una trama que se lucraba con la desesperación de familias argelinas y marroquíes.

      Las fotos que publicaba Francisco Clemente (https://elpais.com/masterdeperiodismo/2021-07-29/el-interprete-de-los-muertos.html) en sus redes sociales no pasaban inadvertidas para nadie. Durante años, este almeriense anónimo divulgó decenas de imágenes en las que podían verse cadáveres arrojados por el mar o cuerpos en la morgue dispuestos antes de la autopsia, todos muertos durante su viaje en patera hacia costas españolas. Muy pocas personas tienen acceso a ese material tan sensible, pero Clemente, no se sabe muy bien cómo, lo conseguía. Y se dio cuenta de que tenía en sus manos un valioso botín con el que hacer dinero. Un negocio que se lucraba con los muertos de la inmigración irregular.

      Este joven almeriense, de 27 años, cayó el pasado sábado detenido en una operación de la Guardia Civil acusado, entre otros delitos, de revelación de secretos y pertenencia a una organización criminal. EL PAÍS investiga los movimientos y conexiones de Clemente desde octubre de 2021 y revela, tras su detención, cómo operaban él y sus cómplices.

      Con esas fotografías de cadáveres y otro tipo de información privilegiada, Clemente dejó de ser tan anónimo y se convirtió en un referente para cientos de familias argelinas y marroquíes que habían perdido la pista de sus seres queridos al intentar emigrar a España. Madres, hermanos o primos que buscaban saber si sus seres queridos estaban vivos o muertos. Clemente creó a mediados de 2020 la cuenta Héroes del Mar en la red social X (antes Twitter) y en Facebook y, junto a su perfil personal, sumaba más de 150.000 seguidores a los que pedía donaciones. Hasta la prensa argelina le dedicaba artículos.
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      Condenados a una lápida sin nombre

      El joven, que se ganaba la vida vendiendo antiguallas por Wallapop, acabó montando un negocio haciendo de mediador entre las familias que buscaban a sus parientes desaparecidos o muertos, según fuentes policiales. No estaba solo, trabajaba en nombre del Centro Internacional para la Identificación de Migrantes Desaparecidos (CIPMID), una ONG de nombre rimbombante que, a diferencia de otras ONG más conocidas, no consta que reciba ninguna subvención o ayuda pública. Para algunas familias, Clemente fue la única fuente de información ante su pérdida y están agradecidos, aunque también dejó un reguero de familias que se sienten estafadas, según la docena de testimonios recogidos por EL PAÍS.

      Fran —como llaman a Francisco Clemente— al final cavó su propia tumba. Las mismas fotos con las que empezó todo encendieron las alarmas de la Guardia Civil que inició una investigación por la que ha acabado detenido junto a otras tres personas. Dos de los detenidos —el dueño de una funeraria y supuesto líder de la trama y el conductor del coche fúnebre de otra— permanecen en prisión sin fianza. A Fran, en libertad, se le ha retirado el pasaporte. Este diario ha intentado contactar con él, pero no ha obtenido respuesta.

      Los agentes han señalado a al menos una veintena de sospechosos, entre ellos, varios dueños de funerarias, auxiliares forenses y funcionarios del Instituto de Medicina Legal de Cartagena. Según se desprende de la investigación, Fran es sospechoso de integrar una especie de cártel que se disputaba los cadáveres de los inmigrantes. La trama supuestamente cobraba entre 3.000 y 10.000 euros por facilitar información a las familias, identificar y repatriar a los muertos. “El precio dependía del seguimiento que debían hacer del caso, pero también de la capacidad económica que viesen en los familiares”, explican fuentes de la investigación.

      Según el papel que jugaba cada uno de los participantes, la Guardia Civil les atribuye presuntos delitos contra la libertad de conciencia, contra los sentimientos religiosos y el respeto a los difuntos, además de por pertenencia a organización criminal, revelación de secretos, omisión del deber de perseguir delitos, estafa y cohecho. “Esto es solo la punta del iceberg”, afirman fuentes de la investigación, que deben ahora analizar una ingente cantidad de material incautado.

      La red, sin muchos escrúpulos, tiene su epicentro en Almería y Murcia, y tentáculos en Málaga, Baleares y Alicante, provincias a las que llegan los náufragos sin vida de las pateras. La trama se embolsó presuntamente decenas miles de euros con el sufrimiento de decenas de familias.
      Enganchado a la radio de Salvamento Marítimo

      Fran se metió en el mundo de la inmigración irregular en 2018, coincidiendo con el incremento de la llegada de pateras que salían desde Argelia. Su relación con el fenómeno —salvo por un breve pasaje por la Cruz Roja de donde lo echaron “por comportamientos inadecuados”—era nula, pero se aficionó a sintonizar la frecuencia de radio de Salvamento Marítimo y estaba al tanto de todos los rescates. Pasaba horas en el puerto de Almería y fotografiaba y grababa el desembarco de los inmigrantes, imágenes que, según ha confirmado EL PAÍS con sus compradores, también vendía a interesados en divulgar en redes mensajes contrarios a la inmigración irregular.

      En una de las varias denuncias que se han formalizado en comisarías de toda España contra él, una mujer que pide anonimato acusa Fran de relacionarse con los patrones de las pateras (suele saber con precisión cuándo salen y llegan las embarcaciones) así como de encubrirlos para evitar su detención. La mujer también asegura que fue testigo de cómo Fran contactó con familias para pedirles dinero si querían que su pariente “no tuviese problemas en España”. Presumía, según el acta de declaración de testigo a la que tuvo acceso EL PAÍS, de dar dinero a jueces y policías para evitar que los inmigrantes estuviesen presos. La mujer declaró a los agentes tener “pánico” de Fran y la ONG para la que trabaja.

      Con el tiempo, las posibilidades de negocio fueron creciendo. Fran, que vive con sus padres, ya no se limitaba a dar información a las familias sobre si sus parientes habían llegado o no, sino que encontró al que la Guardia Civil considera el líder de la red criminal, el propietario de una funeraria sin mucha actividad oficial. Este hombre, llamado Rachid, tenía una serie de funerarias amigas con las que hacer negocio y juntos, presuntamente, se disputaban los cadáveres de migrantes magrebíes que llegaban a las costas de sus zonas de actuación. “Decían a las familias que ellos eran los únicos capaces de repatriar el cuerpo”, mantienen fuentes de la investigación. Mentían. Rachid está en prisión sin fianza desde el sábado.

      Todos ganaban. Para Fran, las funerarias eran clave para cerrar el círculo que iniciaba con las familias de los migrantes que le contactaban. Y para las funerarias, Fran suponía un filón porque tenía contacto directo con decenas de potenciales clientes. Solo en 2023, se registraron casi 500 muertes de migrantes en la ruta migratoria que lleva a España por el Mediterráneo.

      Con el dinero que cobraban a las familias, a veces muy por encima de los 3.000 euros que suele costar una repatriación al uso, los investigadores sostienen que se repartían comisiones por adjudicarse los trámites administrativos y funerarios necesarios para repatriar los cuerpos a Argelia o Marruecos. Algunos implicados además pagaban por certificados de defunción falsos y otros trámites que aceleraban las repatriaciones, según la investigación.
      El conseguidor

      Según se lee en un fragmento del sumario al que ha tenido acceso EL PAÍS, Rachid sería “el conseguidor” o “líder de la organización criminal” en la misión de conseguir adjudicarse los cadáveres —previa exhibición a sus familiares de datos, informaciones e incluso fotografías de los cuerpos—, y su posterior repatriación.

      Rachid estaba muy conectado con la comunidad musulmana y sería supuestamente el intermediario con consulados de los fallecidos, generalmente de Marruecos y Argelia. En el registro de su casa se encontraron 60.000 euros en efectivo “de origen desconocido”, sellos médicos a nombre de otro investigado por expedir un certificado de defunción presuntamente falsificado, licencias de enterramiento y dos coches de alta gama “con gran cantidad de billetes en su interior”.

      España carece de protocolos claros y homogéneos para facilitar que las familias puedan identificar a las víctimas de la inmigración irregular. Quien tiene medios e información sobre cómo proceder debería personarse en una comisaria o comandancia y denunciar la desaparición de su familiar. Para ello, si está en Marruecos o en Argelia, tendría que conseguir un visado para desplazarse a España o conseguir un apoderado que lo haga en su nombre. El proceso suele exigir pruebas de ADN y si, se complica, hasta un procurador y un abogado. Confirmar una muerte es, por lo general, una labor hercúlea que las familias no pueden asumir en la lejanía y sin hablar español.

      Ante las dificultades y la falta de canales adecuados, han ido apareciendo facilitadores que median entre las autoridades españolas y los parientes de los muertos. La mayoría lleva mucho tiempo haciéndolo de forma altruista, por convencimiento y sin cobrarlas, pero también han surgido aprovechadores que han hecho negocio con el dolor de cientos de familias que siguen sin saber adónde acudir.

      https://elpais.com/espana/2024-03-13/los-piratas-de-los-muertos-de-las-pateras-el-negocio-con-los-cuerpos-de-la-i

  • Sur les traces des « retournés volontaires » de Géorgie, ces déboutés du droit d’asile qui ont dû renoncer à la France dans la douleur
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/01/immigration-sur-les-traces-des-retournes-volontaires-de-georgie_6219437_3224

    Sur les traces des « retournés volontaires » de Géorgie, ces déboutés du droit d’asile qui ont dû renoncer à la France dans la douleur
    Par Julia Pascual (Tbilissi, envoyée spéciale)
    C’est un bloc d’immeubles parmi les centaines qui composent le paysage de Roustavi, une ancienne ville industrielle du sud-est de la Géorgie. Dans ce pays du Caucase où vivent 3,7 millions d’habitants, les cités ouvrières ont poussé pendant l’ère soviétique, et Roustavi a pris son essor autour d’un combinat métallurgique alimenté par l’acier azerbaïdjanais. Depuis, l’URSS s’est disloquée et les usines ont fermé. Voilà une dizaine d’années, attirés par un parc immobilier plus abordable que celui de la capitale, Tbilissi, Davit Gamkhuashvili et Nana Chkhitunidze sont devenus propriétaires d’un des appartements de la ville, au septième et dernier étage d’un immeuble que le temps n’a pas flatté. Le parpaing des façades se délabre, des tiges de fer oxydé crèvent le béton des escaliers et l’ascenseur se hisse aux étages dans un drôle de fracas métallique.
    Fin septembre 2023, Davit, 47 ans, et Nana, 46 ans, sont revenus ici après dix mois passés à Béthune, dans le Pas-de-Calais. Ils ont retrouvé leur trois-pièces propret et modeste, où ils cohabitent avec leur fils et leur fille adultes, leur gendre et leur petite-fille. Le couple de Géorgiens avait nourri l’espoir d’obtenir en France les soins que Davit, atteint d’un diabète sévère, ne trouvait pas dans son pays. Migrer, c’était sa seule option après qu’il a été amputé d’un orteil. Il souffrait d’un ulcère au pied et son médecin géorgien « ne proposait rien d’autre que couper et couper encore », se souvient-il.
    Pour venir en France et laisser à leurs enfants un peu d’argent, sa femme et lui ont vendu leur voiture et un terrain qu’ils possédaient à la campagne. Dans le Pas-de-Calais, le couple a été hébergé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), et Davit a pu se faire soigner. Mais l’isolement social, la barrière de la langue, le sentiment d’être des « mendiants » leur ont donné le « mal du pays ». Déboutés de leur demande d’asile, Davit et Nana se sont retrouvés en situation irrégulière et ont été priés de partir. Las, ils ont renoncé à la France dans la douleur. A Roustavi, Nana replonge avec un soupçon de nostalgie dans le souvenir des amitiés qu’elle a nouées avec des bénévoles du CADA, des plats géorgiens qu’elle leur a fait découvrir, comme le khatchapouri, un pain farci au fromage, de la petite fête qui avait été organisée pour leur départ.
    Dans le français rudimentaire qu’elle s’est efforcée d’acquérir, Nana répétait « stop », « fini », « stress » alors que nous la rencontrions, dans les couloirs de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le jour de son vol retour vers la Géorgie. Ce matin de septembre 2023, ils étaient une cinquantaine, comme elle, à devoir embarquer pour Tbilissi dans le cadre d’un retour volontaire aidé, un dispositif adressé aux étrangers en situation irrégulière et mis en place par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il a l’avantage d’être beaucoup moins onéreux que les retours forcés, qui mobilisent des moyens importants, de l’interpellation des personnes à leur expulsion, en passant par leur placement en rétention et la phase éventuelle de contentieux juridique. En 2023, plus de 6 830 personnes ont souscrit à des retours volontaires aidés, toutes nationalités confondues. Avec plus de 1 600 retours aidés, les Géorgiens ont été les premiers bénéficiaires du programme.
    Juste avant d’embarquer, au milieu des touristes et des voyageurs d’affaires du terminal 2 de Roissy, Nana et Davit avaient reçu chacun, des agents de l’OFII, une petite enveloppe contenant 300 euros. Leurs billets d’avion avaient également été pris en charge. Pour encourager les départs, la France propose aussi aux personnes volontaires une aide sociale, le financement d’une formation ou encore une aide à la création d’entreprise, plafonnée à 3 000 euros en Géorgie. Avec 605 aides accordées en 2023, les Géorgiens sont, là aussi, les premiers récipiendaires de ce programme de réinsertion économique.Nana Chkhitunidze a obtenu la prise en charge d’une formation en cuisine, qu’elle suit aujourd’hui avec enthousiasme après ses heures de ménage. A son retour à Roustavi, elle a dû retrouver un emploi pour entretenir sa famille. Elle gagne aujourd’hui 600 laris (210 euros) par mois. Pas de quoi payer les consultations chez le diabétologue ni chez le cardiologue que les médecins français ont recommandées à Davit. Diminué physiquement, Davit Gamkhuashvili ne peut plus travailler dans le bâtiment. Il est fier de rappeler qu’il a, par le passé, rénové plusieurs églises du pays, dont la grande cathédrale de la Sainte-Trinité, à Tbilissi. Mais, depuis son amputation, ce n’est désormais plus envisageable. Il se pique trois fois par jour à l’insuline et veille à ce que l’ulcère au pied ne reprenne pas. Il lui reste des boîtes d’antalgiques prescrits en France. Ici, ils ne sont pas pris en charge. L’OFII lui a financé vingt séances de kinésithérapie, à hauteur de 2 100 laris.
    (...) Grâce à l’aide de l’OFII, Nini Jibladze a suivi une formation en manucure, un secteur porteur dans son pays. Elle a même pu s’acheter quelques équipements, comme un sèche-ongles et un stérilisateur, mais, plutôt que de lancer son affaire, elle a dû parer à l’urgence et accepter un poste de commerciale pour une société de vente de chocolats, payé 1 000 laris par mois. Khvtiso Beridze, lui, se plaint de ses douleurs au bras, résultat de deux accidents anciens qui ont abîmé ses nerfs. En France, il a été opéré deux fois, mais il faudrait qu’il subisse une nouvelle intervention. « J’ai peur de me faire opérer ici, reconnaît-il. Et je n’ai pas les moyens de me payer la rééducation à 40 laris la séance. » Anastasia, elle, doit continuer d’être suivie, mais trouver un angiologue ou un radiologue pédiatrique pour réaliser une IRM à 700 laris relève de la gageure. En outre, la famille a encore une dette de plus de 6 000 euros à rembourser, contractée pour financer son départ en France, à l’automne 2021. (...) Sa mère, Irma, avec laquelle le couple cohabite, compte les devancer. Elle s’y prépare sans états d’âme. « Dans notre immeuble, toutes les femmes ont migré, assure cette célibataire de 52 ans. Si quelqu’un en Géorgie se nourrit et s’habille correctement, c’est qu’il a quelqu’un à l’étranger qui lui envoie de l’argent. » Elle-même a déjà travaillé à Samsun, en Turquie, il y a quinze ans. « Je partais trois mois faire la plonge ou le ménage et je revenais, se souvient-elle. Ça valait le coup. A l’époque, on avait 100 dollars avec 120 livres turques. Aujourd’hui, ce n’est plus intéressant, il faut 3 000 livres turques pour 100 dollars. » Si Irma repart, ce sera en Grèce. Elle y a des amies qui promettent de l’aider à trouver un travail d’aide à domicile ou de femme de ménage pour au moins 1 000 euros par mois. « Ça pourra payer les dettes et les études des enfants », calcule la grand-mère.
    Depuis l’effondrement du bloc soviétique, la migration géorgienne vers l’Europe n’a cessé de croître. « C’est un phénomène très commun, qui a connu un pic avec la libéralisation des visas en 2017 », souligne Sanja Celebic Lukovac, cheffe de mission à Tbilissi de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence onusienne. Cette « libéralisation » autorise les Géorgiens à circuler comme touristes dans l’espace Schengen pendant quatre-vingt-dix jours sans visa. « La Grèce accueille probablement la plus importante diaspora, mais de nombreux Géorgiens sont aussi allés en France, en Italie, en Allemagne, en Suisse ou en Espagne, guidés surtout par des opportunités d’emploi », poursuit Sanja Celebic Lukovac.D’abord très temporaire et individuelle, la migration est devenue plus durable et familiale. Les besoins médicaux sont, en outre, souvent au cœur du projet de mobilité. En France, en 2023, les Géorgiens ont ainsi représenté 7 % des demandes de titres de séjour pour étranger malade (dont un tiers pour des cancers). Parfois, ces besoins sont dissimulés derrière des demandes d’asile, l’un des rares moyens, si ce n’est le seul, de faire durer un séjour en règle, le temps de l’instruction du dossier.
    En 2022, selon Eurostat, plus de 28 000 Géorgiens ont déposé une demande d’asile en Europe, dont près de 10 000 en France. Cela reste faible, en comparaison avec la population du continent ou avec le volume total des demandes d’asile enregistrées dans l’Union européenne, qui a dépassé 955 000 requêtes la même année. Mais, l’octroi d’une protection internationale aux Géorgiens étant très rare – environ 4 % des demandes d’asile géorgiennes en Europe connaissent une issue positive –, cette migration ne manque pas d’alimenter un discours politique virulent. Emmanuel Macron a dénoncé plusieurs fois le « détournement du droit d’asile », des propos qui visent notamment les flux en provenance de Géorgie. Les pouvoirs publics ont tenté de les réduire, au travers de textes de loi ou de mesures réglementaires. Ainsi, la loi « immigration » de 2018 a permis l’expulsion des déboutés de l’asile provenant de pays d’origine « sûrs », nonobstant un éventuel recours.
    En mai 2019, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, s’était déplacé à Tbilissi pour fustiger l’« anomalie » de la demande d’asile géorgienne et la « dette médicale » générée par ceux « qui viennent se faire soigner en France », alors même que l’état du système de soins en Géorgie « ne justifie pas cette venue ». Fin 2019, la lutte contre le « tourisme médical » avait encore occupé une place importante dans le débat sur l’immigration organisé au Parlement par Edouard Philippe, alors premier ministre. Il avait débouché sur une série de mesures imposant notamment un délai de carence de trois mois pour accéder à la protection maladie pour les demandeurs d’asile et la limitation de la durée de cette protection à six mois pour ceux qui sont déboutés de leur demande.
    « On identifie un ensemble de raisons qui incitent les gens à investir dans la migration, analyse Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM. L’absence ou le manque d’accès aux traitements, le manque de confiance dans les soins et leur coût. » En Géorgie, où l’espérance de vie moyenne n’atteint pas 74 ans et où 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le système de soins pâtit notamment d’une faible prise en charge du handicap et des médicaments, ce qui expose les ménages à un risque d’appauvrissement. (...)
    Une étude réalisée en 2019 par le cabinet Evalua pour l’OFII, sur un échantillon de près de 400 bénéficiaires d’aide à la création d’entreprise dans quatorze pays, dont la Géorgie mais aussi la Côte d’Ivoire ou le Mali, montrait que, trois ans après avoir quitté la France, 82 % des « retournés » ayant bénéficié de l’aide – qui peut atteindre 6 300 euros dans certains endroits – se trouvaient toujours dans leur pays. En outre, 51 % des projets financés étaient encore actifs. Zhaneta Gagiladze aime « beaucoup » son métier de coiffeuse. Elle mène sa vie avec énergie et ambition. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle veut repartir. Seule et en Israël, cette fois, où elle espère pouvoir gagner 4 000 dollars par mois comme femme de ménage. A deux reprises déjà, en 2023, elle a tenté de s’y rendre. Mais, à chaque fois, elle a été refoulée à l’aéroport de Tel-Aviv. Elle attend désormais d’avoir économisé suffisamment pour pouvoir s’acquitter des 6 000 dollars qui lui garantiront d’entrer sur le territoire, avant d’y demeurer clandestinement.Elle a du mal à comprendre qu’Israël ne donne pas de visa malgré ses besoins de main-d’œuvre. « Mon projet est juste d’y travailler deux ans, pour gagner de quoi acheter un appartement ici », dit-elle. Elle rêve aussi « d’aider [sa] fille à accomplir son rêve de retourner étudier en France », un pays qu’elle associe à une vie meilleure. « En France, elle a même été suivie par un psychologue, alors que, depuis notre retour, elle a fait une dépression », confie Zhaneta, qui répète à quel point elle est « reconnaissante » vis-à-vis de la France. A Lyon, elle a croisé des compatriotes miraculés. L’un a pu être guéri d’un cancer en Géorgie. Un autre, atteint d’une cirrhose et à qui l’on ne donnait pas un mois à vivre, a pu bénéficier d’une greffe de foie.
    Mais il y a aussi les déçus. Comme Natela Shamoyan, 58 ans, hébergée par le 115 en banlieue parisienne de 2019 à 2022 avec sa fille lourdement handicapée, pour qu’on lui dise finalement la même chose que dans son pays : il n’y a pas de traitement qui guérisse la maladie de Charcot. Grâce à l’argent de l’OFII, à son retour en Géorgie, elle a relancé dans son garage, et avec son fils de 35 ans, une petite activité de fabrication de tapis de voiture.
    Giorgi Maraneli garde néanmoins un bon souvenir de la France. Son fils avait pu être soulagé et la prise en charge était gratuite et de qualité. Aujourd’hui, il a l’impression d’être revenu à la case départ. Les projets financés dans le cadre des retours aidés ne fournissent souvent que des revenus d’appoint. Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM, a constaté qu’avec le temps les « retournés » d’Europe reçoivent de moins en moins d’aide pour leur réinsertion. « Cela signifie qu’il y a de plus en plus de gens dans le besoin », prévient-elle.
    En France, un arrêté ministériel d’octobre 2023 a resserré les critères d’éligibilité aux retours aidés, prévoyant une dégressivité de l’aide dans le temps à partir de la notification de l’OQTF. Mécaniquement, sur les premières semaines de 2024, les demandes de Géorgiens auprès de l’OFII ont baissé, car ils sont moins nombreux à pouvoir y prétendre. S’il avait obtenu des papiers, Giorgi Maraneli avait un poste de palefrenier qui lui était destiné dans une écurie près de Bailleul. Régulièrement, sur Facebook, il prend des nouvelles des bénévoles qui avaient adouci son quotidien et avec lesquels sa famille s’est liée d’amitié. Eux lui disent que la situation en France ne s’améliore pas, évoquent la loi « immigration » promulguée le 26 janvier. Avec franchise, Giorgi leur écrit qu’il veut revenir

    #Covid-19#migration#migrant#france#georgie#grece#israel#turquie#sante#soin#OFII#CADA#OQTF

  • Balkans : en Slovénie, les arrivées de migrants ont doublé en un an - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54515/balkans--en-slovenie-les-arrivees-de-migrants-ont-double-en-un-an

    Actualités : Balkans : en Slovénie, les arrivées de migrants ont doublé en un an
    Par La rédaction Publié le : 15/01/2024
    En 2023, plus de 60 000 exilés ont été détectés dans ce petit pays alpin, contre environ 30 000 l’année précédente. La plupart de ces personnes sont originaires d’Afghanistan, du Maroc et du Pakistan.
    Le nombre de migrants interpellés a quasiment doublé en 2023 sur un an en Slovénie. Selon les statistiques de la police consultées par l’AFP, 60 587 personnes sont arrivées l’an dernier dans le petit pays alpin, contre 32 024 en 2022, soit une hausse de 89%.
    La plupart sont arrivées en Slovénie via la Croatie voisine, entrée récemment dans l’espace Schengen. Environ 30% étaient originaires d’Afghanistan, 15% du Maroc et 9% du Pakistan. Le nombre de citoyens russes a également doublé, passant de 1 816 à 3 675.
    Presque toutes ces personnes ont émis le souhait de déposer une demande d’asile en Slovénie, avant de poursuivre leur chemin vers l’ouest et le nord de l’Europe le plus souvent. L’Allemagne, souvent le pays d’installation des migrants syriens, turcs et afghans notamment, a de son côté vu grimper les demandes d’asile de plus de moitié l’an passé.
    En 2023, les entrées d’exilés en Slovénie, pays de la route migratoire des Balkans, se sont multipliées. En réaction, les autorités ont introduit le 21 octobre des contrôles à ses frontières, dans le sillage d’autres pays de la Hongrie et de la Croatie. Dix jours plus tard, le 2 novembre, le ministre de l’Intérieur Davor Božinović a convenu avec ses homologues italien et croate de patrouilles conjointes.Dans ce contexte, la police slovène a détecté au cours des deux derniers mois une augmentation des tentatives de passage vers l’Autriche par des cols montagneux peu habités, selon l’agence de presse slovène STA. Au mois de juin pourtant, la Slovénie avait pris une décision à l’encontre de ses récentes décisions : la destruction de sa clôture anti-migrants, le long de la frontière avec la Croatie. Selon le chef du gouvernement slovène Robert Golob, « la clôture n’a pas rempli son but déclaré, qui était de décourager ceux qui voudraient franchir la frontière », avait-il dit devant les journalistes. Le mur a donc être démantelé « pour des raisons humanitaires et parce qu’il a échoué à atteindre son objectif ».
    Une « hostilité » même dans la mort
    Cette barrière, érigée en 2015 lorsque plus d’un demi-million d’exilés avaient transité par le pays, forçaient, d’après les associations, les migrants à emprunter d’autres chemins en pleine nature, plus dangereux. En décembre dernier 2021, une fillette de 10 ans est morte dans la Dragonja, la rivière qui sépare la Croatie de la Slovénie. Elle était sur les épaules de sa mère, qui tentait de gagner l’autre rive, lorsqu’elle a été happée par le courant. Le même mois, le corps d’un Bangladais avait déjà été retrouvé au même endroit. Le 1er janvier 2020, un autre cadavre avait été retrouvé près de là, à Socerb, à la frontière slovène : celui d’un Algérien de 29 ans, décédé après une chute dans un précipice.
    Il n’existe aucun chiffre officiel du nombre de victimes sur la route des Balkans. D’après une enquête de Lighthouse Reports, en collaboration avec d’autres médias et des universités britanniques, « l’hostilité à laquelle les gens sont confrontés aux frontières de l’Europe de leur vivant perdure également lorsqu’ils sont morts. Les autorités nationales ne font que peu ou pas d’efforts pour tenter d’identifier les migrants décédés ou pour informer leurs familles ».
    « Les cadavres non identifiés finissent entassés dans des morgues ou enterrés sans laisser de traces », d’après l’enquête. « Certains corps ne sont jamais retrouvés ».

    #Covid-19#migrant#migration#slovenie#croatie#balkan#routemigratoire#mortalite#frontiere#cadavre#sante

    • Cette « info » fait le buzz sur les RS : les israéliens obtiennent les organes qui manquent aux malades français (sous la forme : "Les organes des citoyens français envoyés en Israel ", mais ce n’est qu’un exemple entre mille). Un texte "méconnu" le démontre.
      Sans avoir pu vérifier ce qu’il en est du texte évoqué, il doit s’agir d’une disposition permettant à une personne vivant ici de donner ici un organe à destination d’une personne proche se trouvant en Israël.

      https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F182#:~:text=Don%20au%20sein%20de%20la,Son%20frère%20ou%20sa%20sœur

      Occasion de se souvenir que les organes destinés à être transplantés sont prélevés sur des vivants (on lisait ici il y a peu un communiqué s’inquiétant des vols d’organes de cadavres palestiniens commis par les israéliens...)

      Depuis le Moyen-âge, on sait que « les juifs volent les enfants pour des meurtres rituels ». À l’heure de la technoscience, il est logique qu’ils volent la nouvelle naissance qu’est la sortie d’une maladie mortelle grâce à une greffe, etc.. Depuis le XIXe, on sait que la nation risque d’être enjuivée à force d’intégrer des citoyens qui n’en sont pas. Il est donc logique qu’à lire le nom de Simone Veil, etc.

      #antisémitisme

      edit des éléments que l’on peut espérer mieux établis sur l’utilisation par Israël de cadavres de toute provenance en école de médecine, et sur la gestion israélienne du corps d’une partie des palestiniens tués ou morts en détention
      https://seenthis.net/messages/1029191

      #cadavre #personne #morts #sacralité #religion

  • #Orientation des migrants en région : des retours du terrain « de plus en plus inquiétants », faute de places dans l’#hébergement_d’urgence

    Des opérateurs craignent que la politique de #désengorgement de l’#Ile-de-France, qui passe par la création de « #sas », des centres d’#accueil_temporaire, n’offre pas de #solution pérenne.

    Marie (son prénom a été modifié) est déjà repartie. Cette Angolaise est arrivée à Bordeaux aux alentours de la mi-juin, avec son garçon de 6 ans. Cela faisait trois ans qu’ils étaient logés dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (#CADA) dans le 12e arrondissement de #Paris.

    Courant avril, les gestionnaires de l’établissement ont commencé, selon Marie, à expliquer à certains des occupants – ceux qui avaient été #déboutés de leur demande d’asile ou qui avaient obtenu leur statut de réfugié – qu’ils devaient quitter les lieux, laisser la place à des personnes en cours de procédure. Ils leur ont proposé d’aller en région, à Bordeaux et en banlieue rennaise, dans des #centres_d’accueil temporaires.

    Certains ont refusé. Marie, elle, a été « la dernière à [se] décider à partir », sous la « #pression ». On lui avait fait miroiter une scolarisation pour son fils – déjà en CP à Paris – et un hébergement. Elle a vite déchanté. « On a pris mes empreintes à la préfecture et donné un récépissé pour une demande de réexamen de ma demande d’asile alors que je ne souhaitais pas faire cela, explique-t-elle. Je n’ai pas d’éléments nouveaux à apporter et je risque une nouvelle OQTF [obligation de quitter le territoire français]. On m’a expliqué que sans ça, je n’aurais pas le droit à un logement et que le 115 [l’#hébergement_d’urgence] à Bordeaux, c’est pire qu’à Paris, qu’on nous trouve des hébergements pour deux jours seulement. » Marie n’a pas hésité longtemps. Revenue à Paris, elle « squatte » désormais chez une amie. La semaine, elle envoie son fils au centre de loisirs tandis qu’elle fait des ménages au noir dans un hôtel. Tous les jours, elle appelle le 115 pour obtenir un hébergement. En vain.

    Cet exemple symbolise les difficultés du gouvernement dans sa politique d’ouverture de « sas ». Ces #centres_d’accueil_temporaire, installés en province, sont censés héberger des migrants qui se trouvent à la rue, dans des #hôtels_sociaux, des #gymnases ou encore dans les centres réservés aux demandeurs d’asile qui sont en cours de procédure.

    Approche discrète

    Cette politique, commencée début avril pour désengorger l’Ile-de-France – dont les dispositifs sont exsangues et plus coûteux pour le budget de l’Etat –, se veut pourtant innovante. Dix « sas » de cinquante places chacun doivent à terme ouvrir, dans lesquels les personnes transitent trois semaines au plus, avant d’être basculées principalement vers de l’hébergement d’urgence généraliste ou, pour celles qui en relèvent, vers le #dispositif_d’accueil des demandeurs d’asile. Ces « sas » reposent sur le #volontariat et, pour susciter l’adhésion, sont censés « permettre d’accélérer le traitement des situations des personnes dont l’attente se prolonge en Ile-de-France sans perspective réelle à court et moyen termes », défend, dans un courriel adressé au Monde, le ministère du logement.

    C’est ce dernier qui pilote désormais la communication autour du dispositif. Au moment du lancement de celui-ci, c’est le ministère de l’intérieur qui en avait présenté les contours. Un changement d’affichage qui n’est pas anodin. Dans un contexte sensible, où plusieurs projets de centres d’accueil pour migrants en région ont suscité des manifestations hostiles, voire violentes de l’extrême droite, les pouvoirs publics optent pour une approche discrète.

    Dans les faits, d’après les premiers éléments remontés et portant sur plusieurs centaines de personnes orientées, « 80 % sont des réfugiés statutaires et des demandeurs d’asile », le restant étant constitué de personnes sans-papiers, rapporte Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui chapeaute quelque 870 structures de lutte contre l’exclusion, dont les opérateurs de ces « sas » régionaux. « C’est un travail auprès des #sans-abri, migrants ou pas, ce n’est pas le sujet », martèle-t-on néanmoins au cabinet d’Olivier Klein, le ministre délégué au logement.

    « On est en train de planter le dispositif »

    Une posture qui agace Pascal Brice. Il dresse un parallèle avec la situation qui a prévalu à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), où le maire (divers droite), Yannick Morez, a démissionné en dénonçant l’absence de soutien de l’Etat. L’édile avait été victime de menaces de mort et son domicile incendié dans un contexte de déménagement d’un CADA. « Il faut se donner les moyens politiques de réussir ce dispositif, or l’Etat n’assume pas sa politique d’accueil organisé et maîtrisé. Il fait les choses en catimini », regrette M. Brice. Les remontées du terrain seraient, en outre, « de plus en plus inquiétantes », assure le président de la FAS.

    Adoma, l’opérateur d’un « sas » de cinquante places dans le 10e arrondissement de Marseille, considère que ce dernier « joue son rôle ». « Nous en sommes au troisième accueil de bus et ça fonctionne. Nous avons la garantie que les gens ne seront pas remis à la rue », rapporte Emilie Tapin, directrice d’hébergement pour #Adoma dans la cité phocéenne, où ont jusque-là été accueillis une majorité d’hommes afghans en demande d’asile. Mais ailleurs, le manque de places d’hébergement d’urgence vers lesquelles faire basculer les personnes après leur passage en « sas » se dresse comme un sérieux obstacle.

    « Notre 115 est saturé et on a déjà des #squats et des #campements », s’inquiète Floriane Varieras, adjointe à la maire écologiste de Strasbourg. Une commune voisine, Geispolsheim, accueille un « sas ». « Sans création de places nouvelles, la tension sur l’hébergement d’urgence est tellement forte qu’on craint que le schéma vertueux qui visait à éviter que les personnes ne reviennent en région parisienne ne craque », signale à son tour la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault, qui s’occupe d’un « sas » près d’Angers.

    Le ministère du logement assure que 3 600 places ont été « sanctuarisées dans le parc d’hébergement d’urgence pour faciliter la fluidité à la sortie des structures d’accueil temporaires ». Ce qui sous-entend que ces orientations se feront à moyens constants.

    « On est en train de planter le dispositif, alerte Pascal Brice. Des gens sont orientés vers le 115 depuis les “sas” et remis à la rue au bout de quarante-huit heures. C’est insoutenable. Je me suis rendu dans plusieurs régions et, partout, l’Etat ferme des places d’hébergement d’urgence. Si les conditions perduraient, la FAS devrait à son plus grand regret envisager un retrait de ce dispositif. »

    La province ? « Tu ne peux pas bosser là-bas »

    Outre la question de l’hébergement, le succès des « sas » devait s’appuyer sur la promesse faite aux personnes d’une étude bienveillante de leur situation administrative. Sans parler franchement de régularisation, le ministère de l’intérieur avait assuré au Monde, en mars, qu’il y aurait des réexamens au regard du #droit_au_séjour. « Il y a un travail de conviction qui n’est pas encore installé », considère à ce stade Mme Rouilleault.

    Le Monde a rencontré plusieurs familles ayant refusé une orientation en #province, à l’image de Hawa Diallo, une Malienne de 28 ans, mère de deux filles, dont une âgée de 10 ans et scolarisée dans le 15e arrondissement. « J’ai beaucoup de rendez-vous à Paris, à la préfecture, à la PMI [protection maternelle et infantile], à l’hôpital, justifie-t-elle. Et puis le papa n’a pas de papiers, mais il se débrouille à gauche, à droite avec des petits boulots. »

    La province ? « Pour ceux qui sont déboutés de l’asile, ça ne sert à rien. Quand tu n’as pas de papiers, tu ne peux pas bosser là-bas », croit à son tour Brahima Camara. A Paris, cet Ivoirien de 30 ans fait de la livraison à vélo pour la plate-forme #Deliveroo. « Je loue un compte à quelqu’un [qui a des papiers] pour 100 euros par semaine et j’en gagne 300 à 400. C’est chaud, mais c’est mieux que voler. » Sa compagne, Fatoumata Konaté, 28 ans, est enceinte de quatre mois. Les deux Ivoiriens n’ont jamais quitté la région parisienne depuis qu’ils sont arrivés en France, il y a respectivement quatre et deux ans. Ils ont, un temps, été hébergés par le 115 dans divers endroits de l’Essonne. Depuis un an, « on traîne à la rue », confie Fatoumata Konaté. « Parfois, on dort dans des squats, parfois on nous donne des tentes. »

    Chaque nuit, rien qu’à Paris, un millier de demandes auprès du 115 restent insatisfaites. Lasses, le 6 juillet, plus d’une centaine de personnes en famille originaires d’Afrique de l’Ouest ont investi deux accueils de jour de la capitale tenus par les associations Aurore et Emmaüs et y ont passé la nuit, faute de solution. « La situation devient intenable, prévient le directeur général d’Emmaüs Solidarité, Lotfi Ouanezar. On ne résoudra rien si on ne change pas de braquet. »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/17/orientation-des-migrants-en-region-des-retours-du-terrain-de-plus-en-plus-in

    #migrations #asile #réfugiés #France #hébergement #SDF #dispersion

    via @karine4

  • Orientation des migrants en région : des retours du terrain « de plus en plus inquiétants », faute de places dans l’hébergement d’urgence
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/17/orientation-des-migrants-en-region-des-retours-du-terrain-de-plus-en-plus-in

    Orientation des migrants en région : des retours du terrain « de plus en plus inquiétants », faute de places dans l’hébergement d’urgence
    Des opérateurs craignent que la politique de désengorgement de l’Ile-de-France, qui passe par la création de « sas », des centres d’accueil temporaire, n’offre pas de solution pérenne.
    Par Julia Pascual
    Marie (son prénom a été modifié) est déjà repartie. Cette Angolaise est arrivée à Bordeaux aux alentours de la mi-juin, avec son garçon de 6 ans. Cela faisait trois ans qu’ils étaient logés dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) dans le 12e arrondissement de Paris.
    Courant avril, les gestionnaires de l’établissement ont commencé, selon Marie, à expliquer à certains des occupants – ceux qui avaient été déboutés de leur demande d’asile ou qui avaient obtenu leur statut de réfugié – qu’ils devaient quitter les lieux, laisser la place à des personnes en cours de procédure. Ils leur ont proposé d’aller en région, à Bordeaux et en banlieue rennaise, dans des centres d’accueil temporaires.
    Certains ont refusé. Marie, elle, a été « la dernière à [se] décider à partir », sous la « pression ». On lui avait fait miroiter une scolarisation pour son fils – déjà en CP à Paris – et un hébergement. Elle a vite déchanté. « On a pris mes empreintes à la préfecture et donné un récépissé pour une demande de réexamen de ma demande d’asile alors que je ne souhaitais pas faire cela, explique-t-elle. Je n’ai pas d’éléments nouveaux à apporter et je risque une nouvelle OQTF [obligation de quitter le territoire français]. On m’a expliqué que sans ça, je n’aurais pas le droit à un logement et que le 115 [l’hébergement d’urgence] à Bordeaux, c’est pire qu’à Paris, qu’on nous trouve des hébergements pour deux jours seulement. » Marie n’a pas hésité longtemps. Revenue à Paris, elle « squatte » désormais chez une amie. La semaine, elle envoie son fils au centre de loisirs tandis qu’elle fait des ménages au noir dans un hôtel. Tous les jours, elle appelle le 115 pour obtenir un hébergement. En vain. Cet exemple symbolise les difficultés du gouvernement dans sa politique d’ouverture de « sas ». Ces centres d’accueil temporaire, installés en province, sont censés héberger des migrants qui se trouvent à la rue, dans des hôtels sociaux, des gymnases ou encore dans les centres réservés aux demandeurs d’asile qui sont en cours de procédure.
    Cette politique, commencée début avril pour désengorger l’Ile-de-France – dont les dispositifs sont exsangues et plus coûteux pour le budget de l’Etat –, se veut pourtant innovante. Dix « sas » de cinquante places chacun doivent à terme ouvrir, dans lesquels les personnes transitent trois semaines au plus, avant d’être basculées principalement vers de l’hébergement d’urgence généraliste ou, pour celles qui en relèvent, vers le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Ces « sas » reposent sur le volontariat et, pour susciter l’adhésion, sont censés « permettre d’accélérer le traitement des situations des personnes dont l’attente se prolonge en Ile-de-France sans perspective réelle à court et moyen termes », défend, dans un courriel adressé au Monde, le ministère du logement. C’est ce dernier qui pilote désormais la communication autour du dispositif. Au moment du lancement de celui-ci, c’est le ministère de l’intérieur qui en avait présenté les contours. Un changement d’affichage qui n’est pas anodin. Dans un contexte sensible, où plusieurs projets de centres d’accueil pour migrants en région ont suscité des manifestations hostiles, voire violentes de l’extrême droite, les pouvoirs publics optent pour une approche discrète.
    Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Comment accueillir des réfugiés en France ? De la réussite de Sommières-du-Clain à la polémique de Belâbre
    Dans les faits, d’après les premiers éléments remontés et portant sur plusieurs centaines de personnes orientées, « 80 % sont des réfugiés statutaires et des demandeurs d’asile », le restant étant constitué de personnes sans-papiers, rapporte Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui chapeaute quelque 870 structures de lutte contre l’exclusion, dont les opérateurs de ces « sas » régionaux. « C’est un travail auprès des sans-abri, migrants ou pas, ce n’est pas le sujet », martèle-t-on néanmoins au cabinet d’Olivier Klein, le ministre délégué au logement. Une posture qui agace Pascal Brice. Il dresse un parallèle avec la situation qui a prévalu à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), où le maire (divers droite), Yannick Morez, a démissionné en dénonçant l’absence de soutien de l’Etat. L’édile avait été victime de menaces de mort et son domicile incendié dans un contexte de déménagement d’un CADA. « Il faut se donner les moyens politiques de réussir ce dispositif, or l’Etat n’assume pas sa politique d’accueil organisé et maîtrisé. Il fait les choses en catimini », regrette M. Brice. Les remontées du terrain seraient, en outre, « de plus en plus inquiétantes », assure le président de la FAS.
    Adoma, l’opérateur d’un « sas » de cinquante places dans le 10e arrondissement de Marseille, considère que ce dernier « joue son rôle ». « Nous en sommes au troisième accueil de bus et ça fonctionne. Nous avons la garantie que les gens ne seront pas remis à la rue », rapporte Emilie Tapin, directrice d’hébergement pour Adoma dans la cité phocéenne, où ont jusque-là été accueillis une majorité d’hommes afghans en demande d’asile. Mais ailleurs, le manque de places d’hébergement d’urgence vers lesquelles faire basculer les personnes après leur passage en « sas » se dresse comme un sérieux obstacle.« Notre 115 est saturé et on a déjà des squats et des campements », s’inquiète Floriane Varieras, adjointe à la maire écologiste de Strasbourg. Une commune voisine, Geispolsheim, accueille un « sas ». « Sans création de places nouvelles, la tension sur l’hébergement d’urgence est tellement forte qu’on craint que le schéma vertueux qui visait à éviter que les personnes ne reviennent en région parisienne ne craque », signale à son tour la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault, qui s’occupe d’un « sas » près d’Angers.
    Le ministère du logement assure que 3 600 places ont été « sanctuarisées dans le parc d’hébergement d’urgence pour faciliter la fluidité à la sortie des structures d’accueil temporaires ». Ce qui sous-entend que ces orientations se feront à moyens constants.« On est en train de planter le dispositif, alerte Pascal Brice. Des gens sont orientés vers le 115 depuis les “sas” et remis à la rue au bout de quarante-huit heures. C’est insoutenable. Je me suis rendu dans plusieurs régions et, partout, l’Etat ferme des places d’hébergement d’urgence. Si les conditions perduraient, la FAS devrait à son plus grand regret envisager un retrait de ce dispositif. »
    Outre la question de l’hébergement, le succès des « sas » devait s’appuyer sur la promesse faite aux personnes d’une étude bienveillante de leur situation administrative. Sans parler franchement de régularisation, le ministère de l’intérieur avait assuré au Monde, en mars, qu’il y aurait des réexamens au regard du droit au séjour. « Il y a un travail de conviction qui n’est pas encore installé », considère à ce stade Mme Rouilleault.Le Monde a rencontré plusieurs familles ayant refusé une orientation en province, à l’image de Hawa Diallo, une Malienne de 28 ans, mère de deux filles, dont une âgée de 10 ans et scolarisée dans le 15e arrondissement. « J’ai beaucoup de rendez-vous à Paris, à la préfecture, à la PMI [protection maternelle et infantile], à l’hôpital, justifie-t-elle. Et puis le papa n’a pas de papiers, mais il se débrouille à gauche, à droite avec des petits boulots. »
    La province ? « Pour ceux qui sont déboutés de l’asile, ça ne sert à rien. Quand tu n’as pas de papiers, tu ne peux pas bosser là-bas », croit à son tour Brahima Camara. A Paris, cet Ivoirien de 30 ans fait de la livraison à vélo pour la plate-forme Deliveroo. (...)Chaque nuit, rien qu’à Paris, un millier de demandes auprès du 115 restent insatisfaites. Lasses, le 6 juillet, plus d’une centaine de personnes en famille originaires d’Afrique de l’Ouest ont investi deux accueils de jour de la capitale tenus par les associations Aurore et Emmaüs et y ont passé la nuit, faute de solution. « La situation devient intenable, prévient le directeur général d’Emmaüs Solidarité, Lotfi Ouanezar. On ne résoudra rien si on ne change pas de braquet. » Julia Pascual

    #Covid-19#migrant#migration#france#CADA#accueil#asile#logement#migrationirreguliere#iledefrance#province#postcovid#politiquemigratoire

  • Tunisia, quei morti in mare lasciati a marcire nell’obitorio di #Sfax

    Scattate a fine aprile le foto mostrano mucchi di cadaveri a cui nessuno dà un nome né una sepoltura.

    A terra, sulle barelle, nelle body bag, nei sacchi. Corpi abbandonati su un pavimento di cui non si intuisce neanche più il colore, sporco com’è di sangue, fluidi, sabbia. Gettati via come cose, come immondizia, fino a riempire i corridoi, saturare le stanze, i depositi. Nell’obitorio di Sfax non c’è più spazio neanche per il rispetto della morte.

    https://i.imgur.com/V67bPeX.jpg

    (#paywall)

    https://www.repubblica.it/esteri/2023/06/10/news/tunisia_obitorio_corpi_naufraghi-403847398
    #Tunisie #décès #morts #mourir_aux_frontières #frontières #asile #migrations #réfugiés #morgue #cadavres #abandon #morts_aux_frontières

  • ★ Droits des exilé·es : Les CADA excitent l’extrême-droite en milieu rural - UCL

    Ces derniers mois l’extrême droite s’est lancée dans une bataille médiatique en milieu rural contres les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Les municipalités peinent à mettre en place ces projets face aux menaces et aux attaques physiques répétées des fascistes (...)

    #CADA #exilés #violence #extremedroite #racisme #xénophobie
    #Antifascisme

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Droits-des-exile-es-Les-CADA-excitent-l-extreme-droite-e

  • En Tunisie, les #cadavres de migrants s’accumulent à #Sfax

    En 2023, le pays est devenu le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye.

    Sur le quai du port de Sfax, deux corps d’enfants sans vie gisent sur le sol, recouverts d’une simple couverture. Leur mère, assise à côté, pleure ses filles, mortes noyées sous ses yeux quelques heures plus tôt au large des côtes de Tunisie. Elles tentaient de rejoindre l’Italie sur une embarcation de fortune, comme une quarantaine d’autres personnes.

    Rattrapé puis percuté par un semi-rigide de la garde nationale maritime, comme le relatent les survivants, le rafiot métallique s’est retourné, envoyant tous ses occupants à l’eau. Trente-six personnes ont été secourues par les autorités et deux corps repêchés, ceux de Macire et Saran-soumah, 10 et 12 ans, originaires de Guinée.

    La scène sur le quai a été filmée le 23 mars par l’un des rescapés et les images partagées sur les réseaux sociaux. A la fin de la vidéo, un camion rouge de la protection civile vient chercher les corps pour les emmener à la morgue de l’hôpital Habib-Bourguiba de Sfax. « C’est la dernière fois que j’ai vu mes enfants », se désole Mamadie Fofana, la mère des deux fillettes, trois semaines après les faits. Au centre hospitalier où elle s’est rendue avec des proches, on lui a dit de « passer par la garde nationale, se souvient-elle. Deux fois nous y sommes allés, mais ils nous ont renvoyés à la morgue… Ils nous font tourner comme ça. »

    Vague macabre

    Parce que ces décès ont lieu lors de tentatives de franchissement illégal des frontières du pays, les autorités tunisiennes sont tenues enquêter sur les embarcations qui ont fait naufrage. Les corps, qu’ils soient récupérés en mer par les gardes nationaux ou après leur échouage, doivent être autopsiés avant inhumation. Une procédure d’autant plus longue et complexe que les hôpitaux et les cimetières croulent sous les cadavres.

    En 2023, la Tunisie est devenue le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye. Entre janvier et mars, la marine nationale a intercepté 14 000 personnes, soit cinq fois plus qu’en 2022. Selon les Nations unies, le premier trimestre a aussi été le plus meurtrier depuis six ans. « L’augmentation des départs signifie une augmentation des naufrages et donc une augmentation du nombre de corps », résume Filippo Furri, dont les recherches portent sur les décès en contexte migratoire.

    Cette vague macabre touche de plein fouet l’#hôpital #Habib-Bourguiba de Sfax. « Durant la fête de l’Aïd, de nombreux corps ont été transférés au service de médecine légale, explique Faouzi Masmoudi porte-parole du tribunal de Sfax, cité par l’Agence France-Presse. Le 25 avril, nous avons reçu à la morgue près de 200 corps alors que l’établissement ne peut en accueillir que 40 à 50. » Anonymes pour la plupart.

    « L’#identification n’est pas obligatoire pour les autorités. Ce qui l’est, c’est de déterminer les causes de la mort », explique Filippo Furri. Faute d’information sur l’identité des migrants, un dossier est constitué pendant l’examen médico-légal comprenant des éléments sur le naufrage s’il y en a, les caractéristiques du cadavre, des photographies et un échantillon ADN. Puis un numéro est attribué « pour permettre aux familles d’identifier leurs proches a posteriori, si elles se manifestent », explique un activiste local. C’est ce processus, particulièrement long, qui explique en partie la congestion des morgues.
    Cimetières et chambres froides saturés

    A une dizaine de kilomètres au nord de Sfax, le cimetière municipal d’Essadi a récemment accueilli de nombreux migrants comme en témoignent les tombes anonymes marquées d’un simple numéro. « Il y en a dix qui ont été enterrés ici, explique une dame venue se recueillir sur la tombe de sa mère. Là-bas, il y a de nouvelles tombes qui ont été creusées au cas où. Les migrants sont enterrés comme les Tunisiens. » Sur ces dalles, faites de briques et de ciment, les mouches s’agglutinent. « Tu sens cette odeur ? C’est celle de la mort », s’attriste-t-elle.

    Car les cimetières, comme les chambres froides sont saturés. Les autorités de Sfax s’étaient engagées en 2022 à réserver aux migrants subsahariens, chrétiens pour beaucoup, des zones d’inhumations spéciales. « Grâce aux efforts combinés de la municipalité et des communes environnantes, nous avons pu augmenter le nombre de sépultures dans un plus grand nombre de cimetières », souligne Faouzi Masmoudi.

    Mais les infrastructures restent insuffisantes. « Cette pérennisation de la crise fait que le problème n’est plus seulement lié à la médecine légale », observe M. Furri. Le 20 avril, trente corps ont dû être enterrés en une seule journée. Contactés par Le Monde, le ministère de la santé, la direction régionale de la santé et les médecins de l’hôpital se refusent à tout commentaire.

    De son côté, Mamadie Fofana espère pouvoir un jour se recueillir sur les tombes de ses filles. « Dieu m’a donné mes enfants, Dieu les a repris. Tout ce que je veux aujourd’hui, c’est enterrer mes enfants, de savoir au moins où ils sont. C’est mon plus grand souhait. Sans ça, je ne m’en remettrai jamais. »

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/09/en-tunisie-les-cadavres-de-migrants-s-accumulent-a-sfax_6172663_3212.html
    #Tunisie #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #morgue #cimetière #autopsie #naufrages #hôpital_Habib-Bourguiba #identification #Essadi #inhumation

    –—
    voir aussi :
    Le passeur d’âmes

    A #Sfax, #Père_Jonathan accompagne les migrants, qui ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe, jusqu’à leur dernière demeure. Dans le #cimetière_chrétien de la ville il offre un #enterrement digne aux voyageurs égarés.

    https://seenthis.net/messages/324152

    ping @_kg_

  • En Corrèze, un maire ne veut pas « subir le même sort que celui de Saint-Brevin »

    L’ouverture d’un Cada cet hiver à Beyssenac a provoqué de nombreuses manifestations dans la commune. L’élu, qui a reçu des menaces de mort, se sent « abandonné par l’Etat ».

    L’actualité de Saint-Brevin-les-Pins a résonné jusqu’à Beyssenac, en Corrèze. Dans ce petit village d’environ 350 habitants entouré de champs et de vergers, l’ouverture d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) a fait grand bruit. Après avoir découvert la nouvelle dans la presse locale, au milieu de l’hiver, la population s’est divisée entre opposants et défenseurs, plus silencieux, du projet. Au milieu : le maire (LR) Francis Comby, cinq mandats au compteur. Il a été témoin des affrontements entre membres de l’Action française et militants antifas, des cagoules et des fumigènes devant sa mairie, fin février. 150 personnes réunies, du jamais-vu. « Depuis, il ne passe pas un jour sans que l’on me parle du Cada. Aujourd’hui, quand je vois ce qu’il est arrivé à ce maire [Yannick Morez, ndlr]… Je me sens dans la même situation que lui et j’espère que je ne vais pas subir le même sort », réagit-il.

    L’édile a déposé trois plaintes : une pour menaces de mort reçues sur sa boîte mail dans les jours qui ont suivi l’annonce et deux pour diffamation. Francis Comby préfère se mettre en retrait et « calmer le jeu ». Il assure que la municipalité n’a jamais été concertée et, « mis devant le fait accompli », c’est à lui que les habitants demandent des explications. « Je me sens totalement abandonné. L’Etat ignore les élus, impose son projet et, en plus, m’envoie au tribunal », s’emporte celui qui a fait valoir, mi-mars, le droit du conseil municipal de préempter les parcelles où s’est depuis installée la structure. La procédure a été attaquée par la préfecture de la Corrèze devant le tribunal administratif de Limoges (Haute-Vienne), qui a suspendu la délibération du conseil municipal.
    « Nous sommes là pour avoir la paix »

    Toutes les prises de paroles du maire sont désormais scrutées et font régulièrement l’objet de reprises sur les réseaux sociaux. Les deux collectifs d’opposants restent à l’affût du moindre événement lié à l’accueil d’étrangers, qu’il soit en Limousin ou ailleurs en France. Mercredi 10 mai au soir, les membres de Sauvons Beyssenac – l’un des deux collectifs locaux qui souhaitent l’abandon du projet, appuyé par Reconquête – relayaient sur Facebook la démission du maire de Saint-Brevin fraîchement annoncée. La dernière sortie du collectif Non au Cada de Beyssenac – le deuxième, qui se revendique « apolitique » tout en étant soutenu par le délégué départemental Rassemblement national, Valéry Elophe – remonte au 1er mai. Un petit groupe s’est retrouvé en face de l’ancien hôtel-restaurant où sont accueillis les exilés pour manifester. Un moment « très convivial », racontent-ils sur Internet. « Contrairement à ce qui a été dit dans les journaux, les manifestations continuent et continueront dans les prochaines semaines. »

    Plusieurs demandeurs d’asile ont assisté à la scène depuis les fenêtres de la réception, devant lesquelles patrouille régulièrement la gendarmerie. Cela faisait tout juste deux semaines que six femmes et un bébé venaient de s’installer sur place, encore secoués par leur périple. « C’était difficile. On entendait les cris, les gendarmes sont venus pour les faire partir », décrit Doris, Congolaise de 46 ans. Elle a découvert ce qu’il se disait au sujet du Cada avant même d’arriver. « Je me demandais pourquoi les gens ne voulaient pas de notre présence. Nous sommes là pour avoir la paix », poursuit Doris. L’association leur a expliqué comme elle pouvait. « Dès qu’il y a quelque chose de nouveau, les gens ont peur. Il y a aussi une méconnaissance du statut de demandeurs d’asile. S’ils sont là, c’est qu’ils sont en danger dans leur pays », insiste Camille, travailleuse sociale à Viltaïs, l’association mandatée par l’Etat pour gérer l’accueil.
    Lieu de vie et de passage

    Depuis un mois, l’ancienne auberge du village est redevenue un lieu de vie et de passage. Des habitants passent régulièrement saluer, déposer des dons ou proposer de l’aide. Dans la cuisine, Mariama prépare un plat typique de Guinée. L’odeur du mouton mijotant dans sa sauce au piment embaume la salle de vie où discutent les autres résidentes. « Certaines se sont déjà liées d’amitiés. Il y a beaucoup de solidarité entre elles », constate Patricia. L’animatrice sociale jongle entre les coups de téléphone pour organiser des activités sur place : cours de français, cuisine, couture, yoga… Un couple et leur bébé doivent arriver le lendemain. A la fin du mois, ils seront 20 sur place, la moitié de la capacité totale à terme du centre. Dans la matinée, trois résidentes ont marché jusqu’à la supérette d’une commune voisine. Se promener leur évite de cogiter. Un habitant les a récupérées sur le chemin du retour pour leur éviter de porter leurs sacs de courses sur plusieurs kilomètres. « Voir tous ces gens qui sont gentils avec nous, ça fait chaud au cœur, disent-elles. Nous, on est heureuses ici. »

    https://www.liberation.fr/societe/en-correze-un-edile-ne-veut-pas-subir-le-meme-sort-que-le-maire-de-saint-

    #Beyssenac #Cada #réfugiés #anti-réfugiés #asile #migrations #hébergement #France #centre_d'accueil #Francis_Comby #menaces_de_mort #Sauvons_Beyssenac #Non_au_Cada_de_Beyssenac #manifestation #Viltaïs #solidarité

    voir ce fil de discussion sur #Saint-Brévin :
    https://seenthis.net/messages/992104

    ping @karine4

    • Demandeurs d’asile : A Beyssenac, la mécanique du #mensonge au service de l’extrême-droite

      L’affaire de Saint-Brévin - et la démission de son maire après l’incendie de son domicile - a sidéré la France. Mais ailleurs aussi dans le pays, l’extrême-droite jette de l’huile sur le feu sur la question de l’accueil des réfugiés. Cette atmosphère teintée de haine et de xénophobie fracture des communautés jusqu’alors paisibles, dans les campagnes où on se regarde désormais en chien de faïence. A 550 km de Saint-Brévin, à Beyssenac, la vie s’écoule tranquillement. Ou plutôt s’écoulait : depuis plusieurs semaines la tension est au plus haut dans le petit village de Corrèze, secoué par une affaire identique.

      Sur la toile, Beyssenac est un point presque invisible. Et il faut zoomer, et re-zoomer encore, sur la carte d’Internet pour que l’invisible apparaisse. Dans la vie réelle, le village corrézien de 357 âmes tient en une place avec sa mairie, la demeure du maire en miroir, une église, un cimetière, des toilettes publiques, un bar associatif. Beyssenac s’étend en revanche sur des centaines d’hectares bornés par des fermes, maisons individuelles, qui émergent au milieu de prés troués d’étangs où paissent des bovins. Quelques bois cachent des hameaux et des chasseurs, des pêcheurs, quelques animaux sauvages peuvent être aperçus à la dérobée.

      Il n’existe aucun commerce de proximité et l’économie, outre l’élevage de vaches limousines, consiste à cultiver frénétiquement la fameuse pomme golden importée d’Amérique, que la politique agricole commune européenne a fait prospérer.

      Depuis quelque temps, la coupe sauvage et la vente de grands arbres fait aussi office de complément à cette agriculture peu soigneuse de l’environnement mais, au premier coup d’œil, la carte postale de cette France immobile donne le change. Simplement, les nappes phréatiques ont bu les intrants et autres pesticides, et le tronçonnage des forêts a fait découvrir aux habitants de nouvelles perspectives, dans lesquelles le vent désormais s’engouffre.
      Des migrants en Corrèze

      Mike (le nom a été changé) est Anglais. Il est venu s’installer à Beyssenac avec sa femme il y a environ 5 ans. Il y a acheté et rénové avec goût une jolie vieille maison de pierres, comme beaucoup de Britanniques et de Néerlandais, parmi d’autres nationalités. « En Angleterre, explique-t-il, une maison comme celle-ci et un terrain équivalent sont inabordables pour nous ». Le Brexit a fait le reste.

      Mike travaillait près de Liverpool, dans une concession automobile. Il fait partie d’une petite communauté étrangère qui s’est progressivement installée ici, à cinq minutes de la « frontière » avec la Dordogne. Elle a été renforcée ces derniers mois par l’arrivée de réfugiés ukrainiens, encadrés par une association locale de Pompadour, une commune non loin, et une Néerlandaise, qui a pris l’initiative de louer un bus pour aller chercher des femmes et des enfants à la frontière polonaise.

      Qui dit maisons à vendre dit tout (aussi) d’un exode local à peine compensé par l’arrivée de citadins ou d’étrangers. Européens ou pas, ils vivent généralement une existence parallèle aux habitants, aussi peu polyglottes que les Britanniques eux-mêmes, à de rares exceptions.

      « Nous sommes des migrants », sourit William, en montrant sa carte de séjour. Artisan débarqué de la région de Brighton, il a élu domicile avec sa jeune famille il y a une quinzaine d’années dans la communauté de communes dite du « Pays de Lubersac-Pompadour », dont Francis Comby, 60 ans, est le président. Le maire LR de Beyssenac est aussi vice-président du conseil départemental de Corrèze. En 2021, il aurait été barré par son propre camp, ayant prétendu accéder au siège de Pascal Coste selon des Beyssacois moqueurs.
      Des acquéreurs pour La Mandrie

      La vie politique dans ces communes n’est guère excitante. Bien souvent les élections se jouent sur une liste unique (c’était le cas pour Francis Comby), ce qui ne stimule pas spécialement la créativité des conseils municipaux. La gestion de l’existant suffit. Et l’existant est morne et silencieux. Tenter de se faufiler dans les alcôves de la politique régionale puis nationale est plus exaltant. La seule menace pour les élus (de droite) de la Com’com, dans leurs rêves de carrière, sont les votes en faveur de l’extrême-droite qui se consolident à chaque élection nationale à cause de la passivité et du suivisme de ces mêmes élus. Cela n’a pas l’air d’inquiéter.

      Sauf que, en novembre 2022, le maire UDI d’Arnac-Pompadour, raconte un témoin de la scène, Alain Tisseuil, élu lui aussi sans opposition, s’enquiert auprès de Francis Comby de la façon dont il va cohabiter avec Viltaïs. Cette association a acheté l’auberge de La Mandrie pour héberger et accompagner des demandeurs d’asile le temps (plusieurs mois) qu’ils préparent leur dossier pour l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui instruit ces dossiers pour le compte du ministère de l’Intérieur), dans le but d’obtenir (sans garantie) le statut de réfugié.

      Cela fait plus d’un an et demi que la famille Millot cherchait un acheteur pour son auberge, qui vivote. Il n’y a plus beaucoup de baptêmes, peu de fêtes de famille. Le tourisme ne prend guère, le manque d’activités - à part le rugby amateur et le cheval, auxquels tout le monde ne s’adonne pas - dans le périmètre est patent. Sinon, les amateurs de randonnées autour de Beyssenac ne trouveront que des parcours goudronnés. Et culturellement, la Com’com est un désert. Le cinéma et la salle de spectacle les plus proches sont à une demi-heure de route, à Uzerche.
      La Montagne vend la mèche

      L’auberge dispose d’un restaurant et de maisonnettes séparées, d’une piscine. Elle est située à l’écart du village, à quelques trois ou quatre kilomètres. Une seule habitation la jouxte. Avant Viltaïs, il n’y a eu qu’un vague projet privé consistant à accueillir des personnes âgées, dont la région vieillissante est déjà, par la force des choses, pourvue. Francis Comby avait eu vent d’une reprise éventuelle par quelques-unes de ses connaissances - le trésorier de la Société des courses de Pompadour et Philippe Bombardier, ancien DRH des Haras nationaux et ex-directeur de cabinet à la mairie de Limoges après son passage à droite en 2014, aujourd’hui directeur général des services au Conseil départemental de la Creuse mais aussi président de la Société de concours hippique, toujours à Pompadour.

      Les deux hommes sont donc aussi des connaissances d’Alain Tisseuil. Le maire de Pompadour cumule pour sa part avec la présidence du conseil d’administration de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Le cheval, activité dépensière, réclame des sollicitudes. L’hypothèse tournait autour d’un gite qui aurait été bien utile aux officiels et socio-professionnels autour des activités hippiques. Claude Chabrol y reconnaitra le sien. Las ! La Montagne, le quotidien local, rend publique fin janvier l’ouverture prochaine d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Une annonce que le maire déplore immédiatement, expliquant « qu’on a besoin de restaurants et d’hébergements dans le secteur ».

      Le site correspondait bien aux critères d’évaluations demandés par l’État : « 30 places minimum », une localisation qui ne « contribue pas à surcharger des zones déjà socialement tendues ».

      Quand Alain Tisseuil s’enquiert auprès de Francis Comby de la façon dont les choses se présentent, ce dernier lui fait comprendre qu’il est capable de gérer la situation. Les maires des petites communes peuvent se rejoindre au cas par cas mais ils restent jaloux de leurs prés carrés électoraux.
      Le tract incendiaire

      « Bientôt des dizaines de migrants dans notre village ! » Mi-février, Mike a trouvé dans sa boîte un tract de Reconquête !. Quinze jours seulement après le premier article de La Montagne. Il ne comprend pas le zemmourien et s’interroge. « Quel est le problème ? »

      Le gros problème est que les habitants ne sont pas au courant. Le second est que les premières communications sur le Cada sont le fait de l’extrême-droite. Une pétition circule sur Change.org, via Facebook. Soit disant initiée par le collectif « Sauvons Beyssenac », elle est en réalité l’œuvre de Philippe Ponge, homme de Reconquête !, et de quelques affidés de circonstances. Ajoutez, pour que l’affaire monte, de multiples pages Facebook nourries toujours par les mêmes personnages, sous divers pseudonymes.

      Les élus ont failli en amont à anticiper et expliquer en quoi consiste une telle structure, informer de la vente de l’auberge à Viltaïs et indiquer quelle serait l’attitude républicaine à adopter. Trop tard, pas pensé, pas réfléchi. Le tapage de l’extrême-droite a fait le reste, remplissant le silence des agneaux.

      Ainsi, une avalanche de fausses informations se répercute sur les réseaux sociaux avant même que les maires, submergés, aient pu lever le petit doigt. Parmi ces télégraphistes de mauvais augure, on trouve le responsable du Rassemblement national (RN) en Corrèze, Valéry Elophe, conseiller départemental. Mais surtout deux autres défenseurs acharnés de la Corrèze… venus du Var : Camille Dos Santos de Oliveira, transfuge RN dans ce département, qui s’est présentée en 2022 à la députation sous la bannière Reconquête ! à Brive-La-Gaillarde. Ou encore Philippe Ponge, déjà cité, qui s’exprime également sur la toile sous le nom de Philippe Lebloque ou encore de Philippe Corrèze, lequel a l’oreille compréhensive de Sud Radio.

      Ponge-Lebloque-Corrèze, au choix ou tout ensemble, a été suppléant de la jeune femme précitée sur la liste de Brive. L’homme est apparu dans la presse en 2014, dans Var Matin, quand des colistiers se sont désolidarisés de la liste FN qu’il menait, avant les municipales à Bandol. Elle ne passa pas le premier tour, en dépit de ses responsabilités dans la sécurité auprès du département.

      À la faveur de l’éviction de Jean-Marie Le Pen du FN en 2015 par sa fille, Ponge dit faire partie des déçus de la nouvelle ligne pour tenter sa chance ensuite chez les zemmouristes, plus francs du collier.

      Pour parfaire le tableau, Philippe Bombardier, l’homme des concours hippiques de Pompadour connu de Francis Comby et Alain Tisseuil, est lui connu à Limoges pour ses sympathies monarchistes. Un détail qui a son importance. Comme le fait qu’au fil de ses diverses affectations dans l’administration, Bombardier avait eu l’occasion de croiser Philippe Ponge dans le Sud de la France.
      La peur, l’arme fatale

      La mécanique se met en place. C’est du grand classique : on bourre les systèmes de référencement et de calcul des plateformes et très vite il suffit de taper « Beyssenac » pour voir apparaître une communauté fictive vent debout contre le Cada. Bien sûr la peur est l’arme fatale pour dénoncer en vrac « Les migrants », les « clandestins », alerter sur le « Grand remplacement », le tout financé par « nos impôts », en fustigeant ceux qui ne s’opposent pas à l’arrivée (très strictement encadrée) des réfugiés en quête du statut de réfugié en les accueillant chez eux.

      Dans cette accélération des particules de la haine, personne ne songe que les Cada existent pour que cela ne soit pas possible : ces structures ont justement « pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social, administratif et juridique des personnes dont la demande d’asile a été enregistrée au sens de l’article L.741-1 du CESEDA, pendant toute la durée de leur procédure ». Cela n’est aucunement rappelé.

      Au lieu de se questionner sur les subventions publiques fléchées vers les associations liées au cheval à Pompadour, ces « échos » de Beyssenac laissent entendre que les locaux auraient donc estimé que les « migrants » avaient déjà ruiné et mis à sac ce joli coin de Corrèze. On lit la crainte de voir les vaches « écorchées ». Sur la page de Francis Comby, les commentaires fusent, envisagent des « viols » ou des risques de « maltraitance aux enfants », en référence aux mineurs isolés. « Partout Callac » fait valoir sa prise de guerre. Saint-Brévin arrive.

      L’incendie sur la toile est instantané. Le maire de Beyssenac éprouve les pires difficultés à simplement expliciter en quoi il est incompétent sur le dossier qui relève de la préfecture. Et qu’il n’y a pas le début d’un débat à aviver, hormis celui sur le danger que constitue la diffusion de fausses informations. Il sait pertinemment en revanche que le vote RN est arrivé en tête dans son canton lors des législatives de 2022, et il préfère en tenir compte.

      Jointe par Blast fin février pour savoir quelle attitude adopter face à la panique et la paranoïa qui se répandent, l’association Viltaïs a répondu dans un mail : « Les services de l’État sont informés des agissements de certains partis politiques et ces derniers nous demandent de ne pas répondre pour l’instant. » Preuve aussi que Viltaïs est joignable sans problème, ce que réfute Francis Comby au même moment.
      La Reconquête des esprits

      Le 18 février, quelques jours plus tôt, une petite poignée de militants Reconquête ! déploie une longue banderole devant le château du marquisat de Pompadour - oui, le cadeau de Louis XV à sa maîtresse roturière -, à quelques kilomètres de là. Avec un message qui claque - « Zemmour président ! » - devant lequel ils se prennent en photo en connaissance de cause. Face à eux, il n’y a que deux gendarmes, le parking devant la vieille bâtisse qui abritait les bureaux des Haras nationaux étant désert. Les rares passants jettent un œil circonspect à la manif à cinq. Quelques militants de gauche et de la LDH se tiennent à distance.

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      En réalité, Philippe Ponge est à la manœuvre. Reconquête ! compte à peine 490 adhérents déclarés dans toute la Corrèze. Mais les cinq du 18 février s’expriment pourtant au nom de tous les Corréziens. Les responsables du parti ont le don d’ubiquité. Ils sont partout.

      https://i.imgur.com/fl03p3y.png

      Pourtant, ce rapt de l’opinion ne sera pas davantage combattu par le maire de Beyssenac, qui trouvera « normal » l’inquiétude que les partisans d’Éric Zemmour sèment. Pire, l’élu la favorise en acceptant, parce que les sympathisants des idées d’extrême-droite existent à bas bruit et l’ont fait maire, une réunion publique au cours de laquelle va s’exprimer Valéry Elophe. Le Rassemblement national a pris ombrage de l’offensive des zemmouristes. Le 5 mars, le RN local manifeste devant la préfecture de Tulle. À Tulle, tout le monde s’en fiche royalement.

      Le 13 mars, le conseiller départemental intervient sur Boulevard Voltaire, au sujet de Beyssenac : « Je ne roule pas avec des gens de Reconquête qui font n’importe quoi en affichant des banderoles "Zemmour Président" et ne maîtrisent pas les dossiers. » A cheval sur ses dossiers, Elophe préfère s’attaquer à Viltaïs, qui « roule dans de luxueux SUV » - en réalité des voitures de service... comme l’Institut français du cheval et de l’équitation en possède quelques-unes. Ici comme à l’Assemblée, le RN roule lui avec le pied sur le frein, attend et fait diversion sur des questions accessoires.

      Quelques jours plus tard, le même Elophe interpelle le conseil départemental sur le financement de l’association sur la base d’un rapport. Ce rapport, signé par la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpe, réclamait simplement des précisions et émettait des recommandations à Viltaïs, comme cela est heureusement son rôle. Peu importe, Reconquête ! et le RN se disputent la même proie. Les frères-ennemis de la droite extrême aboient contre l’État qui finance « les immigrés ». Le vocabulaire est approximatif mais il résonne clairement dans nos campagnes.
      Des approximations concurrentielles

      La première réunion publique avec des membres du RN s’est tenue la veille d’un conseil municipal, le 22 février dernier. Dans cette ambiance alarmiste le véritable sujet n’est pas abordé – le fait que la municipalité doit se conformer aux lois de la République et au droit d’asile. Au cours de cette réunion, aucune allusion non plus au cas d’Uzerche, un peu plus à l’Est, où un autre Cada a donné des résultats très satisfaisants en termes d’intégration ou de projets de vie. Un couple de Syrien vient d’ailleurs d’ouvrir un kebab à Pompadour : de la petite restauration, peu chère, dans un climat amical. Sur place, tout s’est passé au mieux grâce à l’implication du maire PCF Jean-Paul Grador. La municipalité s’était portée volontaire pour accueillir un centre d’accueil. La population n’a émis aucun cri.

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      A Beyssenac, une folle machine s’est emballée. L’extrême-droite ayant produit une bouillie de communiqués sur un terrain favorable, le conseil municipal vote une motion contre l’installation du centre d’accueil. C’est encore hors sujet mais le maire suit. Cette motion pose une série de questions sur le service proposé par le Cada, auxquelles Francis Comby ne donne pas de réponse. Il n’a pas travaillé.

      L’édile, acculé, se défend maladroitement contre ses propres électeurs qui l’accusent d’avoir donné son accord pour l’ouverture du centre. « J’ai demandé plusieurs fois depuis trois semaines à Monsieur le Préfet de Corrèze de tenir une réunion d’information à Beyssenac, écrit-il dans une lettre. À ce jour, je n’ai toujours pas reçu une lettre, un mail, ou un mot officiel à la mairie. » Cette molle et peu convaincante tentative de prise de contact d’une part, et la discrétion du préfet, c’est vrai, de l’autre, fermentent un pain béni pour le RN et Reconquête !, qui mènent le bal de la communication entre autres omissions épistolaires. Piégé par ses propres manquements, Francis Comby n’aura cessé de se justifier, en dénonçant les manques de l’État, du préfet, de Viltaïs, sans jamais questionner la présence de l’extrême-droite dans et hors sa mairie, qui d’ordinaire est plutôt adepte du chuchotement privé.

      Il se regarde marcher

      Ce manque cruel de clarté n’est pas passé inaperçu aux yeux de tous. Une habitante de Beyssenac (dont le nom ne sera sciemment pas cité) se désole de l’absence de position claire de son maire, qui se fait balader par son conseil municipal lui-même sous l’emprise de fausses informations, et qui ignore les lois encadrant le droit d’asile. « Il est maire ? Mais c’est le conseil municipal qui l’a désigné. Son nom a souvent été barré sur la liste unique, il n’apparaissait pas en tête. Francis Comby, il se regarde marcher. Mais il est élu au département, a fait des études de pharmacie… »

      Dans ces campagnes, le notable est censé connaître l’administration, le droit, la Constitution, en tirer avantage. On s’en remet à lui et patatras !
      Le nationalisme d’opérette

      Les choses empirent. Viltaïs prudente, le préfet jouant la montre, l’Action française se met à son tour en scène devant la mairie de Beyssenac. Le 27 février, une quinzaine de jeunes activistes identitaires plus que monarchistes, cagoulés, casques de moto en main, hurlent des slogans xénophobes. Devant eux un cordon de police. Un gendarme explique qu’ils ont l’autorisation de la mairie pour manifester une heure.

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      Ces militants viennent de Limoges, à plus de 60 kilomètres de là. Derrière le cordon de policiers, peu d’habitants du village mais plutôt des communes limitrophes, une petite centaine de partisans de formations de gauche, humanitaires et un petit groupe d’anarchistes se positionnent. Ils sont beaucoup plus nombreux. Dans la petite foule, il y a même des étrangers, tiens : des Britanniques venus dire leur incompréhension devant le spectacle de ce nationalisme d’opérette qui, lui aussi, se manifeste par des phrases sans aucun sens.

      « Ils vont prendre notre boulot », entend-on alors que les demandeurs d’asile n’en ont pas le droit tant que l’OFPRA n’a pas statué sur leur cas, ou passé un délai de six mois – s’il ne l’a pas fait. Par ailleurs, la cueillette des pommes oblige chaque automne les agriculteurs locaux à faire venir par bus entiers une main d’œuvre étrangère. Mais, dans ce cas, cela est nécessaire. Car dans ces campagnes, autre non-dit, beaucoup de jeunes touchent des allocations et évitent les travaux pénibles. Parmi eux, le sentiment de jalousie perle. Le fait que le Cada soit installé dans un ancien Logis de France avec piscine et aire de jeux pour enfants a l’air d’agacer.

      Revoir ça à Beyssenac

      Francis Comby observe la scène de son jardin, pendant qu’une vieille dame, la larme à l’œil, glisse ce commentaire : « Et ce sont les mêmes qui déposent des gerbes devant les monuments aux morts ou à la Résistance… » Le premier magistrat, lui, se plaint de la division et du désordre crée par cette foutue Cada. Un axe qu’il reprendra devant les médias, dénonçant bien évidemment l’action de « l’ultra-gauche » après le face-à-face du samedi 25 février avec l’Action française. « Je ne veux plus revoir ça à Beyssenac ! En plus, je n’ai pas d’informations, ni de la préfecture, ni de l’association Viltaïs sur ce projet. »

      Le mantra de Francis Comby se heurte surtout au fait qu’il consent à ce que l’extrême-droite s’exprime librement devant chez lui ou l’auberge de La Mandrie. Ailleurs en France, d’autres élus ont eu le courage de contredire ces idées préconçues et même interdire à l’extrême-droite d’utiliser pour faire sa pub un symbole de la République. Francis Comby ne s’exprimera jamais sur le chaos et la sidération que seule la propagande a créés.

      Il en connaît pourtant les principaux agents. Certains de ses administrés témoignent clairement avoir peur de représailles à se déclarer sans opinion ou favorables au Cada. Et le maire se dit lui-même « menacé de mort. » Mais le 8 mars une autre réunion publique avec des membres du RN se tiendra à nouveau dans le village. Dans La Montagne, Francis Comby se défend encore à propos de ces deux réunions du Rassemblement national tenues dans la salle polyvalente de Beyssenac : « Elle est à la disposition de tous ceux qui en ont besoin. »

      En sillonnant par les champs, en rencontrant et discutant avec les habitants, les réactions sont très diverses. On n’est pas unanimement contre le Cada mais le sujet effraie. Pas sur le fond, personne n’en sait grand-chose, mais le climat importé par l’extrême-droite. La plupart des Beyssenacois voudrait simplement savoir comment cela fonctionne et qui sont ceux qui prétendent au droit d’asile. Des anciens sont touchés par le fait que La Mandrie fut jadis l’école du village.

      On va vous fusiller !

      Entre ceux qui se taisent, ceux que cela ne gêne pas et ceux qui connaissent les membres de « Sauvons Beyssenac ! », des jeunes ou des vieux fermiers sont désemparés. « Ils vont tuer les moutons. » Un jeune éleveur de chèvres, membre du collectif précité, justifie son courroux par une confidence de son agent immobilier : il lui a dit que sa ferme avait perdu 30% de son prix de vente. Comptait-il la vendre et abandonner le terrain, qu’il dit vouloir défendre ? Mystère. Face à l’insistance d’un petit groupe - des locaux venus de villages à proximité pour compenser l’inertie du maire, pour qu’il comprenne d’où viennent les gens qui arrivent au Cada et leur situation objective -, le jeune exploitant explose : « Chacun chez soi, et ce sera très bien. Partez ! Maintenant. Moi, s’il y avait la guerre chez moi, je me battrais, vous, vous partiriez ? On va vous fusiller ! »

      À Beyssenac, la conclusion du tour du village effectué par des militants de gauche ou des Droits de l’homme dément que la majorité des habitants s’oppose au Cada. Ils ont formé un collectif pour démontrer que, non, comme l’affirment les banderoles tendues par un pomiculteur devant La Mandrie, la majorité des habitants ne sont pas contre l’ouverture. Mais Facebook et les autres réseaux l’ont fait croire. Et ceux qui l’ont cru ont désormais peur.

      Le 16 mars dernier, la visite tardive du préfet de Corrèze a confirmé un racisme latent chez certains - « les Ukrainiens, ce n’est pas pareil », a-t-on entendu dans la salle de réunion - mais aussi le soutien de locaux dénonçant cette distinction.

      La stratégie de Viltaïs (avancer à pas feutré, prudence légitime) et l’incapacité du maire de Beyssenac à dépasser son propre ego ont facilité le travail de l’extrême-droite. Francis Comby persistera en instituant sous la pression de son conseil municipal un droit de préemption urbain sur le lieu-dit « Les Garennes », à l’endroit où se trouve le centre d’accueil pour demandeurs d’asiles. Sans aucune chance d’aboutir : un mois plus tard, le 25 avril, le tribunal administratif saisi par la préfecture a annulé son arrêté, contraire au droit.

      En réalité, ces errements d’élus locaux correspondent à la posture actuelle de la frange droitière des Républicains et d’une formation sans repères. À vouloir composer avec l’extrême-droite, en flirtant avec ses idées pour conserver des sièges, le risque est grand d’être débordé. Surtout quand on n’a soi-même pas d’idées.

      De quoi a-t-on peur au juste à Beyssenac ? Aujourd’hui, de son voisin. L’extrême-droite est parvenue à instiller la méfiance et la défiance des habitants les uns contre les autres, sur leurs pensées, leurs opinions, leurs libertés. Localement, la mécanique propagandiste de la droite dure a révélé que les élus et les principaux acteurs de cette agitation agressive ne sont pas étrangers les uns aux autres. Liés par les intérêts d’une politique locale souvent opaque, ils se sont habitués à composer ensemble pour exister. En creux, cette sinistre histoire a mis à jour les liens créés par la micro-économie du cheval, seul produit d’appel pour faire connaître ce recoin de France et à travers lequel ceux-là fabriquent leur réputation.

      Beyssenac est désormais identifié comme un de ces villages d’une France rurale où l’extrême-droite peut semer le désordre quand elle le désire, faisant passer des exilés pour une menace pour la survie des rites tribaux du « Pays vert ».

      Le 11 mars dernier, les sept premiers demandeurs d’asile accueillis à l’auberge de La Mandrie se sont installés sous protection de la gendarmerie. Six femmes et un bébé. L’une d’elles s’appelle Doris, elle a confié à La Montagne demander la protection de la France. Parce que « c’est un pays de lois. »

      https://www.blast-info.fr/articles/2023/demandeurs-dasile-a-beyssenac-la-mecanique-du-mensonge-au-service-de-lext

  • En Corrèze, la création d’un centre pour demandeurs d’asile sème la discorde : « Les gens se regardent avec méfiance maintenant »

    Depuis qu’ils ont découvert l’ouverture imminente d’un lieu d’#accueil pour demandeurs d’asile dans l’ancienne auberge de leur village, les habitants de #Beyssenac vivent entre #pétitions, #manifestations de l’extrême droite et brouilles entre voisins.


    L’#auberge_de_la_Mandrie surgit après un virage, laissant le village de Beyssenac derrière soi. Ici, tout le monde connaît l’histoire de cette ancienne école rachetée par le couple Millot, dans les années 70, pour en faire un hôtel-restaurant. De l’autre côté de la départementale qui file vers Pompadour, des pancartes semblent avoir poussé dans les arbres. Les messages à la bombe fluo indiquent « Non au Cada, gardons notre auberge » ou encore « Cada imposé par le préfet, colère augmentée ».

    La nouvelle est tombée début février, lorsque le quotidien la Montagne révèle que les aubergistes de la Mandrie partent à la retraite et que le lieu va devenir un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). D’ici l’automne, 40 exilés vivront sur place le temps d’obtenir, ou non, le statut de réfugié. Depuis cette annonce, les deux frères ne répondent plus aux sollicitations. « Vous savez, on est pas mal échaudés », dit l’aîné. Peu après la révélation, des manifestations ont éclaté dans ce village de 350 âmes. Les témoins racontent les 150 personnes devant la mairie, les fumigènes et les cagoules. Des membres de l’#Action_française venus de Limoges, à 60 kilomètres de là, ont déployé une #banderole « Immigration nation en danger » dans un face-à-face avec des militants antifas.

    « La peur s’est installée »

    « Du jamais-vu en vingt-trois ans de mandat ! » bout le maire #Francis_Comby (LR). Il a déposé trois plaintes pour #menaces_de_mort et pour #diffamation. On l’accuse d’accepter « des clandestins », d’avoir refusé l’installation d’une résidence senior sur le même site et caché ce nouveau projet. L’élu affirme n’être au courant de rien et, lassé de cette affaire, préfère parler de la deuxième fleur « Villes et Villages Fleuris » que vient de recevoir Beyssenac.

    « Ils ont tardé à mettre les choses au clair et la #peur s’est installée », regrette une habitante qui exige l’anonymat, comme tous ceux voulant bien témoigner. Elle n’a pas signé les pétitions, quitte à s’opposer à ses voisins. « On était un village sans histoire et maintenant, les gens se regardent avec méfiance », décrit une Beyssenacoise. Celle-ci a rejoint le collectif anti-Cada de Christian Cargouet. « On est les gentils, insiste le formateur en hôtellerie de 58 ans. On ne veut pas être un parti politique, juste comprendre. » Le groupe, soutenu par le délégué départemental Rassemblement national Valéry Elophe, a sa théorie : « Il faut nettoyer Paris avant les JO », les exilés ne soutiendront pas l’économie locale et l’association mandatée trempe dans des « magouilles ».

    Le second collectif, « #Sauvons_Beyssenac » appuyé par #Reconquête ! vise la même issue qu’à Callac dans les Côtes-d’Armor : l’abandon du projet. Son créateur, Philippe Ponge, sert l’argument de « l’endroit inadapté ». Tous les villageois le reconnaissent : il n’y a plus de commerces, de médecin ni même de club des aînés. Seuls le comité des fêtes et la société de chasse résistent. Mais avec 1,29 place de dispositif national d’accueil (DNA) pour 1 000 habitants, la Corrèze était le deuxième département le moins bien doté de Nouvelle-Aquitaine – elle-même déficitaire par rapport au niveau national.

    Mi-mars, lors d’une réunion publique longtemps réclamée au préfet, un sentiment d’injustice gronde dans la salle des fêtes bondée. « Et pour les aînés de nos campagnes, vous faites quoi ? Ils n’ont pas le droit aux navettes pour aller chez le médecin », dénonce un quinqua sous les applaudissements. « Ceux qui peuvent se payer la traversée sont blindés. Nous, on n’a pas d’argent », crie un autre. « Ma maison est invendable. C’est terminé pour moi et pour ma famille », ajoute une retraitée avant de déguerpir. « Les oppositions aux Cada sont de plus en plus récurrentes », commente Karine Bouteleux, directrice du pôle asile de Viltaïs. L’association est connue sur le territoire notamment pour avoir organisé l’accueil des réfugiés ukrainiens.

    Des habitants du coin, plus discrets par peur des représailles, ont proposé de donner des cours de français au Cada. « On peut être contre le projet, pas contre les humains », tranche un couple dont les enfants iront à l’école avec les jeunes demandeurs d’asile. Tandis que les opposants s’alarment d’une baisse du niveau scolaire, eux voient la possibilité de sauver une classe de la fermeture.

    De retour aux abords de la Mandrie, la gendarmerie patrouille. Viltaïs peaufine les derniers détails. Il y aura un surveillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mesure exceptionnelle pour calmer les inquiétudes de la population. « J’espère que le RN ne fera pas d’esclandres », commente Karine Bouteleux. Les premières familles arrivent la semaine prochaine.

    https://www.liberation.fr/societe/en-correze-la-creation-dun-centre-pour-demandeurs-dasiles-seme-la-discord

    #anti-migrants #asile #migrations #réfugiés #France #hébergement #extrême_droite #CADA #opposition

    via @karine4

  • Un long reportage illustré (à lire sur le site du Monde pour accéder à toutes les photos) qui rend bien compte des spécificités de la justice (post-)coloniale, jusqu’à nos jours, en Polynésie française. L’auteur minore cependant les violences, a minima symboliques, liées à l’entrée en vigueur d’un système juridique importé.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/17/en-polynesie-des-magistrats-nomades-apportent-un-peu-de-republique-au-bout-d

    En Polynésie, des magistrats nomades apportent un peu de République au bout du monde
    Par Franck Johannès, 17 mars 2023 à 05h30, mis à jour à 10h42

    Dans l’archipel, seules trois des cent dix-huit îles disposent de tribunaux. Pour les autres, des « juges forains » passent tous les deux ou trois ans pour trancher les litiges ou prononcer les divorces. Sur place, l’attente est forte, le choc culturel aussi.

    Ils sont déjà tous là, parfois depuis des heures. Des femmes avec une couronne de fleurs sur le chapeau et un éventail à la main, des hommes en bermuda, taillés comme des rugbymen des Fidji mais un peu intimidés, des vieux qui devisent à voix basse, à patienter dans la moiteur de la grande salle de la mairie. Ils ont lu depuis des jours l’affichette placardée à l’entrée, en français et en tahitien : « Avis à la population : la justice foraine informe qu’une mission est programmée sur l’île de Rurutu les mercredi 22, jeudi 23 et vendredi 24 février. » L’attente est forte : la dernière fois que la justice a débarqué sur l’île, c’était en 2021, et il faudra attendre de nouveau deux ans pour la revoir.

    Le juge forain qui descend de l’avion, c’est lui : Gérard Joly, 62 ans, les traits un peu tirés après s’être levé à 4 heures du matin à Tahiti, pour les trois journées d’audience, de douze heures chacune, prévues dans cette île perdue au milieu du Pacifique. Suivi par Christophe Lai Kui Hun, son fidèle greffier, qui traîne une pile de dossiers et une imprimante dans une glacière, et par Teana Gooding, l’interprète, qui rit encore plus souvent qu’elle ne parle.

    Un juge forain n’est pas un juge qui fait la foire ; c’est un juge nomade qui tient audience dans une île qui n’a pas de tribunal. C’est-à-dire, en Polynésie, toutes les 118 îles, sauf trois, dont Tahiti – le mot « forain » désigne à l’origine celui qui exerce son activité dans les marchés et les foires, et ce magistrat du bout du monde apporte avec lui un peu de la République, non sans difficulté. Gérard Joly, qui a été juge des enfants en métropole pendant dix-huit ans, a été affecté en Polynésie en septembre 2006, préside le tribunal du travail (les prud’hommes) à Papeete, et est aussi chargé de la justice foraine depuis sept ans.

    Rurutu est son dernier voyage. La tâche est passionnante mais épuisante. Il s’agit d’organiser des tournées pour desservir des archipels noyés dans une surface grande comme l’Europe, soit par des vols réguliers lorsqu’ils existent, comme à Rurutu, à un peu moins de 600 kilomètres de Tahiti ; soit par un vol privé avec les services administratifs de la Polynésie française ; soit encore par catamaran, sur un océan souvent houleux, pour aborder quatre ou cinq îles d’un coup en une semaine. Les îles Tuamotu, qui voyaient auparavant un juge tous les dix ans, peuvent espérer désormais faire trancher leurs litiges tous les trois à cinq ans. Aller jusqu’au tribunal de Papeete est, pour les habitants de ces îles, financièrement hors de question.

    « Vous avez tous le même nom ? »

    Des litiges, il y en a de plus en plus, et un juge forain unique, à l’évidence, ne suffit pas : il y avait, dans les archipels des Australes, des Tuamotu et des Gambier, 28 affaires foncières à juger en 2012, contre 101 en 2022, avec un stock de 261 cas encore à traiter. On comptait 65 dossiers aux affaires familiales en 2012, et 182 dix ans plus tard, sans compter les commissions rogatoires d’un juge de Papeete à exécuter, et les 123 affaires de délinquance à examiner sur place. Le juge forain est ainsi juge foncier, juge pénal, juge des affaires familiales, il prononce ici un divorce, là une adoption, voire un changement de sexe, et il a intérêt à avoir un solide greffier pour tenir les procédures – c’est le cas.

    Gérard Joly passe désormais le témoin à Laetitia Ellul, fine spécialiste du droit foncier. « Je suis le juge forain, les gens pensent que je m’appelle Forain ! s’amuse le magistrat. Et quand je dis que c’est maintenant Laetitia le juge forain, on me dit : “Ah bon ? Vous avez tous le même nom ?” » Dans le doute, tout le monde l’appelle Gérard.

    Le problème majeur, à Rurutu, ce sont les « affaires de terre », la propriété foncière. Cette île des Australes a en effet été un peu oubliée par la France. Le petit royaume est tombé sous protectorat français en 1889, avant d’être annexé en 1900. « Les lois françaises sont trop compliquées pour vous, vous ne pourriez pas les comprendre, avait paternellement assuré le gouverneur lors de l’annexion. Gardez vos lois et restez les chefs de vos îles. » Ainsi, pour l’administration coloniale, il ne s’est rien passé à Rurutu avant 1946, où la loi française s’est appliquée lorsque la Polynésie est devenue un territoire d’outre-mer.

    Sur l’île, on produit alors un café renommé, un peu de coprah, les femmes tissent la fibre de pandan pour en faire une vannerie réputée, les hommes pêchent et cultivent le taro, un tubercule qui tient à la fois de la pomme de terre et du navet. Sans se douter un instant qu’ils sont sur des terres qui ne leur appartiennent pas, faute du moindre titre de propriété. Arrive alors, au début des années 1950, Eric de Bisschop, un navigateur français, ancien consul pétainiste à Honolulu, mais qui a eu la bonne fortune d’épouser la fille d’un chef influent à Rurutu. La France le charge d’établir le cadastre de l’île, tâche immense dont il s’est fort bien acquitté jusqu’en 1953 (avant de périr sottement en mer, en 1958).

    Les surprises du cadastre

    Bisschop, improvisé géomètre, a fait noter, après de longues palabres, les noms et les ascendants des occupants des terres, de leurs voisins, de témoins, dans chaque parcelle, et a établi des « procès-verbaux de bornage », aujourd’hui précieux puisque ce sont les seules pièces officielles sur lesquelles s’appuyer. Le cadastre existe donc, mais toujours pas les titres de propriété, et les habitants de Rurutu ont découvert avec surprise que le champ de taro qu’ils cultivaient depuis trois générations ne leur appartenait pas : toutes les terres sont, par défaut, la propriété de l’Etat, et aujourd’hui de la Polynésie française. Il s’agit désormais de les redistribuer. Ce n’est pas une mince affaire.

    Une loi du territoire, qui court jusqu’en 2025, autorise cette redistribution : l’habitant de Rurutu qui s’estime propriétaire fait une déclaration auprès de la direction des affaires foncières, à Papeete, en justifiant, grâce aux fameux procès-verbaux de bornage, que sa famille y vit depuis des générations – Gérard Joly n’est pas pour rien dans la mise en œuvre, au fil des années, de cette jurisprudence. On vérifie sur place : si c’est bien le cas, la terre est au requérant ; si la propriété est contestée, l’affaire est renvoyée devant le tribunal, qui tranche l’imbroglio du supposé ayant droit. Pour pimenter la chose, les terres sont en indivision, et il faut ensuite départager les dizaines de lointains cousins qui ont un ancêtre commun mentionné sur le procès-verbal de bornage…

    Les affaires de terre mobilisent ainsi l’essentiel de la justice foraine. La nouvelle présidente, Laetitia Ellul, ouvre l’audience, et explique qu’elle remplace Gérard, lequel papote avec de vieilles connaissances. Elle siège, en civil, à côté du greffier, derrière une table recouverte d’une grande nappe rouge et or dans la salle de la mairie, où des ventilateurs s’efforcent de faire croire qu’ils apportent un peu de fraîcheur. Ambiance bon enfant, un peu surprenante : la juge tutoie les demandeurs. « Oui, c’est étrange vu de Paris, explique Gérard Joly, mais en tahitien le “vous” n’existe pas. Lorsqu’on vouvoie quelqu’un, il se demande à qui d’autre on s’adresse. Et le vouvoiement est vécu comme une distance affichée par les popa’a, les Blancs. On s’y fait, finalement. »

    L’ancien maire de Rurutu, Taratiera Tepa, revendique trois parcelles. Il a fait venir ses témoins, qui décrivent minutieusement les terrains et ce qui pousse dessus, assurent qu’il n’y a que la famille de l’ancien maire qui l’occupe. La présidente Ellul, procès-verbal de bornage dans une main, cadastre dans l’autre, instruit le dossier, fait noter les déclarations. Elle ira le lendemain sur place, grimper dans la montagne et patauger dans les ruisseaux, pour faire un PV de constat, évaluer l’âge des bananiers ou des avocatiers qu’on dit avoir été plantés par un ancêtre – car « la propriété se prouve par tout moyen », énonce le code civil. Chaque partie devrait ensuite résumer ses arguments par écrit, et le tribunal foncier de Papeete, où elle siège, tranchera. « Moi, je me débrouille tout seul, sans avocat, dit Taratiera Tepa, mais c’est long et compliqué, et ça coûte cher, il faut aller à Papeete. L’administration devrait prendre en charge les frais, ce n’est pas normal que ce soit la population qui supporte ça pour récupérer sa terre. »

    Justiciables intimidés

    Les dossiers se succèdent et se ressemblent, sous l’œil imperturbable de Pito, le policier municipal, un géant qui assure le service d’ordre et est aussi chauffeur et pourvoyeur de café. « Est-ce qu’on doit évacuer ma tante handicapée qui vit là depuis trente ans ? », s’indigne un demandeur. Laetitia Ellul le rassure : « Je ne pense pas que le haut-commissaire fasse intervenir la police pour chasser madame. On est en pleine phase d’instruction, chacun doit dire ce qu’il pense, et après je conclurai le dossier. » Teana, l’interprète, traduit le plus simplement possible le jargon juridique ; c’est difficile, d’autant que le rurutu n’est pas tout à fait du tahitien. « Ici, ils n’ont pas les “f” et les “h”, explique la jeune femme, et souvent cela ressemble à du vieux tahitien. » Christophe, le greffier polynésien, intervient souvent pour expliquer un point obscur ou rappeler que « l’audience, c’est le moment privilégié pour parler avec le juge » – il est souvent plus facile de ne pas s’adresser directement au magistrat, même si Laetitia déploie des trésors de patience et de pédagogie.

    Le choc culturel est tout de même violent. « La langue de la République est le français », dit la Constitution, mais personne sur l’île ne pense sérieusement que Rurutu soit la France, même si ses habitants en ont la nationalité. Et la culture locale est de tradition orale, alors que la procédure française multiplie les écrits, les requêtes, les conclusions. Le code civil polynésien a certes été profondément aménagé, mais « il s’agit d’une justice étrangère, a relevé Natacha Gagné, ethnologue à l’université Laval de Québec, qui a enquêté sur place : c’est celle des farani [les Français], c’est-à-dire la justice du colonisateur », qui engendre « des rapports fortement asymétriques » intimidant nécessairement les justiciables, et « sources de malaise ».

    C’est encore plus vrai pour la justice pénale, parfaitement conforme au droit de la métropole – et la mairie ressemble cette fois à un tribunal. Gérard Joly prend l’audience, en robe, pour la journée, avec deux assesseurs. Deux avocats commis d’office sont venus de Papeete avec une envoyée impromptue du parquet général, qui remplace l’habituelle magistrate, rompue, elle, aux coutumes des îles. On juge Edwin R., trésorier de l’Eglise protestante locale, qui a subtilisé 10 millions de francs Pacifique (CFP, soit 84 000 euros) en dix-neuf ans. L’Eglise ne s’est pas portée partie civile et fait son possible « pour qu’on ne mette pas son nez dans ses affaires », constate le juge. L’affaire est confuse, et le prévenu, qui assure qu’il rembourse 10 000 CFP par mois, est bien incapable de le prouver, son avocat n’ayant même pas pensé à lui demander des traces de chèques ou de virements. Le ministère public réclame une peine de six mois avec sursis : il prend un an avec sursis et 150 000 CFP d’amende.

    Dans la seconde affaire, Tibere M. a agressé sexuellement l’infirmière venue soigner sa vieille maman, et la soignante a porté plainte. Le parquet réclame son incarcération à Tahiti – il n’y a pas de prison à Rurutu – et de six à huit mois ferme ; il est finalement condamné à deux ans avec sursis et obligation de soins – obligation assez formelle, même si un psychologue passe de temps à autre sur l’île. En juge unique pour des affaires moins lourdes, le président Joly examine quatorze autres dossiers : bagarres, violences intrafamiliales pour la plupart, conduite en état d’ivresse, problèmes tumultueux de voisinage… Il distribue des mois de prison avec sursis, de petites amendes et, autant que possible, des travaux d’intérêt général – sur l’île, le choix des peines est nécessairement limité.

    « Difficultés du dialogue »

    Les prévenus parlent peu, et le tribunal a le plus grand mal à obtenir des réponses, mais ils ne mentent guère, ou très rarement, et avouent parfois, en passant, d’autres infractions que celle pour laquelle on les juge. Gérard Joly, plus bonhomme que jamais, s’adresse à eux très simplement, presque amicalement, pour casser un peu la solennité du tribunal. Mais, résume Natacha Gagné, « les silences et les difficultés du dialogue soulignent l’énorme contradiction entre le statut de l’audience comme moyen d’expression et d’écoute, et la réalité du rapport à l’Etat dans la pratique ».

    Pourtant, on l’aime bien, le juge forain, dans les îles. « Gérard, il me manque déjà, déclare en souriant Teana, l’interprète. Il met les gens à l’aise, il plaisante beaucoup, il est là tout le temps, toujours prêt pour un conseil et pour rendre service. » Le juge saute le repas de midi et reste dans la mairie. On vient lui demander comment adopter, comment divorcer, quels papiers il faut, et il n’hésite jamais à proposer une « requête verbale », que permet le code. Un couple débarque sans rendez-vous et veut divorcer par consentement mutuel : il dicte la requête au greffier, la requête est faite sans avocat, sans huissier, sans notaire, et sera prononcée à Papeete après avis du parquet, en quelques semaines.

    Une femme hésite un instant avant d’aller le voir ; c’est un raerae, une personne trans. Ce n’est pas rare en Polynésie, où la tolérance est grande sur la transidentité, même si ce n’est pas toujours simple pour autant. Elle suit un traitement depuis longtemps déjà, et veut changer d’état civil. Le juge prend la requête, un jeu de photos d’elle en robe qu’elle a apporté, pour convaincre le parquet, à Papeete, qui doit donner son avis. L’affaire ne devrait pas poser de difficulté.

    La juge Ellul, pendant ce temps, reçoit Heiroa, 37 ans, un grand gaillard parachutiste de Tarbes, venu rendre visite à son Omer, son père adoptif de Rurutu. C’est son papa fa’a’mu (quelque chose comme « pour nourrir », en français), une vieille coutume polynésienne, qui permet à des parents de confier leur enfant à des parents nourriciers, plus ou moins proches, en conservant des liens avec lui. Omer a obtenu de la justice française en 1988 une délégation d’autorité parentale, et veut désormais adopter le petit, qui est nettement plus grand que lui. « Je voulais qu’il porte mon nom, dit Omer, ravi, une fleur de tiaré derrière l’oreille. Et puis, pour la succession, c’est bien. J’aurais pu faire un testament, mais qui peut toujours être contesté. » Heiroa grommelle qu’un testament aurait bien suffi, mais il devient héritier à la fois de sa famille biologique et de sa famille d’adoption : bonne affaire, d’autant qu’Omer a « pas mal de terres ». Heiroa est majeur, Omer n’a pas d’autres enfants, l’adoption est une formalité. Le papa est parti avec son nouveau fils, un sourire radieux, de la lumière dans les yeux, et le sourire ému de la juge.

    A la nuit tombée, les deux magistrats sirotent une bière dans la pension qui les héberge, en faisant le point sur les dossiers. « C’est crevant, on n’arrête pas, mais on se sent utile, dit avec le sourire Laetitia Ellul. On se dit qu’on a vraiment aidé les gens, et que ça valait le coup. » Le lendemain, à l’aéroport, des plaignants leur déposent in extremis les pièces qu’ils n’ont pu fournir la veille. Parce que les magistrats du bout du monde ne reviendront pas avant deux ans.❞

    #Polynésie #justice #colonisation #post-colonialisme #cadastre #droit #magistrature

  • Cadavres à la découpe
    https://www.lessoireesdeparis.com/2023/03/17/cadavres-a-la-decoupe

    Jouxtant l’#Institut_médico-légal_de_Paris, le square Albert Tournaire n’est pas l’un des plus fréquentés de la capitale. C’est ce qui fait d’ailleurs son charme. Situé sur la rive droite, entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz, ce jardin voit surtout passer des gens pressés, marquant rarement l’étape pour souffler cinq minutes. Ce qui fait qu’il n’est pas interdit de penser que les aîtres attirent en revanche des personnages louches composés de nécrophages, nécrophiles et autres nécromanciens. Inauguré voici cent ans, l’Institut médico-légal figure en effet un buffet d’abondance pour les nécrophages, un lupanar de rêve pour les nécrophiles et un centre d’appel de bonne taille pour les nécromanciens. Une dizaine de corps entrent et sortent au quotidien de ce bâtiment conçu par #Albert_Tournaire (1862-1958), notamment connu pour avoir été l’architecte de l’#exposition_coloniale de 1931. Dans le bâtiment précédent, sur l’île de la Cité, les corps étaient exposés au public derrière une vitre. Curieuse attraction quand même, à laquelle un préfet souffrant peut-être de nécrophobie avait fini par mettre un terme. Cachons donc les macchabées que Héraclite lui-même situait plus bas que les excréments. Pour l’écrivain Georges Bataille, un corps sans vie n’était pas rien « mais pire que rien ». Comme une invective, l’expression « Mange tes morts » s’entend parfois.

    Les anciens pensaient qu’un humain dont le cœur avait cessé de battre gardait encore sa part de vie. Ils en voulaient pour preuve, le parfum agréable que dégageait le cadavre d’un saint. Et c’est pourquoi nous pouvons dire à propos d’un individu qu’il est ou non en « odeur de sainteté ».

    Il y a le corps et il y a l’image. Le mot cadavre peut s’introduire dans nos conversations par extension. Il a même été le terme d’un jeu surréaliste, celui des « cadavres exquis » où il s’agissait de composer des phrases à partir d’un mot. La première d’entre elles une fois achevée, aurait été « Le #cadavre_exquis boira le vin nouveau ». Ce qui fit dire au chef de file du mouvement surréaliste #André_Breton, que l’on disposait enfin « d’un moyen infaillible de mettre l’esprit critique en vacance et de pleinement libérer l’activité métaphorique de l’esprit ».

    En tout cas et sauf à habiter un pays très pauvre ou une nation en guerre, nous ne voyons plus de dépouilles et c’est ce qui explique en partie pourquoi nous faisons par défaut usage du mot cadavre afin de bien appuyer une idée. Si l’on évoque un cadavre ambulant, il est bien évident que nous ne désignons pas un zombie, mais plutôt quelqu’un de mal parti. Une fois vidées, les bouteilles sont autant de cadavres dont grâce à Dieu et à ce pays de cocagne qu’est la France, nous ne portons pas le deuil longtemps.

    Pour en revenir à l’#Institut_médico-légal (dont il est prévisible qu’aucune cérémonie d’anniversaire ne viendra animer les murs malgré le catéchisme festif à la mode), il est notable que tous les cadavres examinés et disséqués ne livrent pas forcément les secrets que l’on tente de leur arracher. Il faut dire que les instruments qui pourraient déterminer que tel sujet est décédé des suites d’un contrôle fiscal, manquent. Pareil pour ceux qui auraient succombé après un résultat électoral, une extase alimentaire, un plaisir que l’on dit charnel ou par la faute d’un mortel ennui, comme le chantait Serge Gainsbourg. Il faut alors se contenter de probabilités.

    On ne traite à l’Institut médico-légal, que l’humain. Bien des choses pourtant dépérissent aujourd’hui jusqu’à la disparition. Et nous aurions pourtant besoin d’explications sur les causes du décès, détaillées par des spécialistes patentés. La démocratie, le savoir-vivre, la tolérance, sont des valeurs déclinantes avec leur vilain teint de mourant. Le tout est déjà bon pour les soins palliatifs. L’art par exemple existe-t-il encore en dehors des musées où le mot conservation prend tout son sens frigorifique ? L’artiste, les auteurs, ne sont-ils pas en train de se faner irrémédiablement sous l’effet défoliant du politiquement correct ? Du temps de son vivant, c’est le cas de le dire, Victor Hugo s’en inquiétait déjà : « L’art n’a plus que la peau sur les os. Il agonise misérablement. » Et ce même Hugo écrivant à juste titre dans un livre dont il n’est ici pas besoin de citer le titre : « Le commentaire couche Shakespeare sur la table d’autopsie. »

    D’ailleurs et afin de conclure sur une précision qui pourra faire la journée de nos lecteurs, le mot #autopsie (du grec autopsia : voir de ses propres yeux) n’a pas toujours eu la même définition qu’aujourd’hui. Au 18e siècle nous enseigne Le Robert, il décrivait davantage, chez les Grecs, « un état contemplatif » permettant d’arriver à « la connaissance de la divinité ». Comme quoi on en apprend finalement moins en passant devant le Franprix qu’en flânant à proximité de l’Institut médico-légal. Encore qu’au rayon salaisons du premier, le sujet pourrait se rappeler à nous.

  • À #Saint-Brévin, la solidarité avec les réfugiés triomphe des fauteurs de haine

    L’#extrême_droite, qui souffle le vent raciste pour récolter la tempête identitaire, a échoué, samedi 25 février, à #Saint-Brévin-les-Pins. Sa tentative de rameuter contre un #centre_d’accueil pour demandeurs d’asile a fait #flop, face à la #mobilisation antifasciste.

    Nous voilà posté du mauvais côté, en ce samedi 25 février après-midi : derrière un cordon de CRS protégeant une centaine de manifestants d’extrême droite, plantés entre l’église et la mairie de Saint-Brévin, pour s’opposer, en toute turpitude tapageuse, à l’implantation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile (#Cada) dans la ville.

    Semeurs de zizanie xénophobe, ils espèrent tirer profit de leur fait d’arme qui les galvanise : avoir obtenu, en janvier dernier, qu’un projet d’accueil de quelques familles de réfugiés fût abandonné, à Callac, village à une vingtaine de kilomètres de Guingamp, dans les Côtes d’Armor. Rebelote à Saint-Brévin ? Tel est leur fâcheux espoir.

    Face aux CRS, des protestataires antifascistes conspuent le rassemblement raciste ; tout en prônant le droit des exilés fuyant les guerres et les dictatures à trouver refuge en France. « Solidarité ! », s’époumone une voix féminine, devant nous. Derrière nous, un butor issu des rangs nazillons vocifère : « Parle plus fort, on t’entend pas, sale pute ! »

    Alors, les CRS se boyautent bruyamment. « J’ai cru que c’était un collègue », lâche avec une ingénuité confondante un jeune fonctionnaire des forces de l’ordre.

    Peu auparavant, de jeunes antifas confusionnistes, dissimulés par des masques sanitaires et des bonnets jusqu’aux sourcils, nous avaient fait passer un sale quart d’heure : au prétexte que nous sommes journaliste, donc forcément vendu à tous les pouvoirs – même, et pourquoi pas surtout, en travaillant à Mediapart.

    Un vieux paysan libertaire nous tira d’une telle agressivité inféconde, laissant ses camarades à leurs réflexes pavloviens, pour désigner, d’un geste large, la flicaille casquée, suréquipée, sur le pied de guerre civile : « Les CRS sont là d’abord et avant tout contre nous, plutôt que pour contenir les fachos. Ceux-ci ont droit à toute leur sympathie. »

    Le meeting identitaire bat son vide, en un concours fort riquiqui de quidams caricaturaux, ligués devant l’hôtel de ville de Saint-Brévin-les-Pins. Une voix s’élève du microphone : « Les forces de l’ordre font un travail exceptionnel pour qu’on puisse s’exprimer. Et on remercie aussi le service d’ordre de l’Action française ! »

    Un représentant local du parti de Marine Le Pen prend la parole : « Le Rassemblement national s’est désolidarisé de la manifestation mais pas de notre combat – la preuve c’est que je suis parmi vous. Le Cada auquel nous nous opposons, en plus d’être à côté d’une école, ne sera pas loin d’un camping où des grands-parents accueillent l’été leurs petits-enfants. Qu’arrivera-t-il aux jeunes filles qui déambulent en maillot de bain ? Pas besoin de faire un dessin. »

    Des cataractes de propos vipérins et anxiogènes submergent la place de la mairie tout l’après-midi : « L’Afrique, c’est ici et maintenant à Saint-Brévin. […] Implantation d’une boucherie halal, qui va vite se transformer en mosquée gérée par les Frères musulmans. […] L’insécurité tout court. […] Non-assistance à personnes en danger. »

    Un furieux de Reconquête, la faction factieuse d’Éric Zemmour, est venu d’Île-de-France : « Non à la répartition de l’immigration dans les campagnes françaises ! Les bonnes âmes gauchistes, la charité en bandoulière avec l’argent des autres, qu’ils [sic] les prennent chez eux dans leur maison, dans leur appartement, au lieu de les inciter à mourir en Méditerranée. Ce sont des irresponsables sans aucune humanité. Ils veulent déraciner les peuples africains – accueillis, régularisés, naturalisés. Et ce, pendant que les Français, de plus en plus pauvres, vivent dans leur voiture. Qui paie pour les migrants ? C’est vous ! »

    Le Monsieur Loyal du moment fustige « l’indécence des journalistes de gauche qui osent se plaindre au moindre coup de téléphone menaçant », puis passe le microphone à sa femme. Celle-ci, sous quelques sifflets, avoue avoir commencé à militer au Parti socialiste. Puis ce fut Chevènement. Puis enfin, là où elle est aujourd’hui : « Ce qu’on appelle l’extrême droite, c’est simplement le peuple français ! »

    La foule clairsemée s’époumonne : « On est chez nous ! Ensemble, ensemble, on va gagner ! » Le flot des propos se déverse : « Projet mondialiste de Macron, de Mélenchon et de toutes les ordures. […] Idéologie mortifère. Ils s’attaquent à nos clochers et même aux statues de l’île de Ré. […] Délinquance étrangère désaxée. […] La loi “Asile immigration” va accélérer la politique de peuplement de nos territoires par des populations subsahariennes. » Etc., etc.

    Ce matin-là, dans l’espoir d’être plus nombreux – et il l’aura été dix fois plus –, le peuple de gauche occupait le terrain à Saint-Brévin. Une minorité voulait donc en remontrer à l’extrême droite, au point de lui réserver un comité d’accueil d’une hostilité légitime et sérieuse en s’attardant sur place l’après-midi. L’immense majorité, obéissant à l’appel au calme et à la soif de tranquillité des vieilles troupes humanistes, décampa sur le coup de midi.

    Non sans avoir réussi, en rassemblant presque 900 personnes, une démonstration de force tranquille. Même si toutes les prises de parole transpirent l’inquiétude défensive, face à un fond de l’air bien plus brun que rouge.

    François Prochasson, conseiller municipal de Nantes, rappelle les récentes exactions commises par l’extrême droite dans sa ville contre un squat et contre une association d’aide aux migrants : « Les valeurs d’accueil et d’hospitalité sont menacées. »

    Jérôme Alemany, conseiller départemental de Loire-Atlantique chargé de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, rappelle que la « terre de rencontres, d’échanges et d’accueil » qu’il représente voit ses valeurs défendues « par une traduction juridique : la Convention de Genève, qui protège les réfugiés. C’est une obligation internationale mais il en va aussi de notre honneur et de notre humanité, à laquelle nous n’entendons pas renoncer. »

    Le député européen Damien Carême prône un « accueil inconditionnel » qui ne soit pas limité aux Ukrainiens, qui ne trie pas en fonction « de la couleur de peau ou de la religion », sur un Vieux Continent tenté de se faire forteresse.

    Andy Kerbrat, élu La France insoumise (LFI) de Nantes à l’Assemblée nationale, évoque la haine antimigrants des parlementaires d’extrême droite auxquels il se heurte, mais auxquels le gouvernement donne des gages avec la loi dite « Asile immigration » concoctée par Gérald Darmanin.

    Toutes les interventions antiracistes semblent graves et parfois sépulcrales. Elles appellent non seulement à se ressaisir mais à inventer de nouvelles formes de lutte, pour ne point laisser le terrain à l’ultradroite identitaire et raciste, qui croit pouvoir imprimer la cadence en toute impunité.

    L’espérance ne saurait être en berne plus que de raison. La manifestation montre qu’il est possible de porter un coup d’arrêt à l’extrême droite. Celle-ci fait un four aussi patent qu’humiliant. Et les jeunes pousses d’une gauche qui ne s’en laisse plus conter irradient, au bon sens du verbe, la confiance en l’avenir.

    Un couple de militants à peine trentenaires, membres de LFI tout en souhaitant ardemment la relève et l’après-Mélenchon, évoque la richesse des réseaux qui se nouent et fermentent, entre Nantes et Rennes. Entendez-vous dans nos campagnes…

    Laurence Goubet, de l’association Les Bouillonnantes, nous détaille les modalités du RFF (Refugee Food Festival), qui se tient dans une douzaine de villes de France autour du 20 juin, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés.

    Antoine de Clerck, engagé au service des autres « depuis les scouts de France », nous parle de l’appel pour l’organisation d’une Convention citoyenne sur la migration, inspirée de la Convention sur le climat. Sa complice sur le sujet, Vanessa Krycève, aura du reste imposé, l’air de rien, l’une des interventions les plus émouvantes et revigorantes de cette matinée. Ainsi fut préempté, samedi 25 février 2023, le centre de #Saint-Brévin-les-Pins, au détriment d’une coalition des préjugés racistes heureusement réduite à la portion congrue.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/260223/saint-brevin-la-solidarite-avec-les-refugies-triomphe-des-fauteurs-de-hain
    #réfugiés #anti-réfugiés #solidarité #asile #migrations #résistance #antifascisme #hébergement #France

    via @karine4

    • C’était en 2016 (signalé par @karine4)...
      Loire-Atlantique : Des coups de feu contre le futur centre d’accueil de migrants à Saint-Brévin

      La tension ne redescend pas. Alors que se divise sur le futur accueil de 70 migrants venus de Calais, des coups de feu ont été tirés mardi soir sur devant les accueillir. Une enquête a été ouverte, a-t-on appris mercredi auprès des gendarmes.

      Les tirs ont eu lieu vers 20h35 contre le centre de vacances EDF choisi par l’Etat pour héberger ces migrants, ont indiqué les gendarmes, sans donner plus de précision. Aucune interpellation n’avait été effectuée mercredi soir.
      Un réunion publique organisée par les opposants

      « Cet acte est inadmissible et irresponsable », s’est ému le maire divers droite de Saint-Brévin, Yannick Haury. Le 17 septembre, à l’arrivée de 70 migrants étaient descendus dans la rue et s’étaient lancé « quelques invectives », lors de deux manifestations qui s’étaient déroulées sans incident notable, avait alors indiqué la préfecture de Loire-Atlantique.

      « Il y a quelques personnes qui entretiennent ce climat, mais la majorité des Brévinois (...) souhaite que cet accueil de personnes réfugiées puisse se faire dans les meilleures conditions », a déclaré Yannick Haury.

      Le collectif des a décidé la semaine dernière d’organiser lui-même une « réunion publique d’information », ce samedi. Dans un communiqué, il condamne « fermement » les coups de feu. « L’imposition de migrants dans notre commune, sans aucune concertation, sans aucune information, sans demander l’avis des Brévinois est également une violence qu’il convient de condamner », ajoute la déclaration.
      Soutien de la CGT

      Dans un communiqué, la CGT a « condamné avec la plus grande fermeté cette lâche tentative d’intimidation », et apporté son « soutien total à la CCAS, à ses élus et aux salariés de la Caisse centrale des activités sociales des personnels des industries électriques et gazières ».

      https://www.20minutes.fr/nantes/1937239-20161006-loire-atlantique-coups-feu-contre-futur-centre-accueil-mi

    • Solidaires avec le maire de Saint-Brevin-les-Pins

      Nous, élu·es de l’ANVITA, membres d’ONG, d’associations et de syndicats, tenons à apporter notre soutien sans faille à M. Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, suite à l’annonce de sa démission, poussée par les menaces et violences de l’extrême droite qui l’ont visé personnellement en mars dernier.

      Une situation intolérable

      La situation à Saint-Brevin est extrêmement grave : il est intolérable qu’un·e élu·e de la République soit menacé·e de mort, son intégrité physique mise en danger, et qu’il soit ainsi contraint de renoncer à son mandat et de quitter sa ville. Combien de temps le gouvernement va-t-il encore fermer les yeux sur les agissements des groupuscules d’extrême-droite radicaux passant à l’action ? Doit-on renoncer à une société ouverte et accueillante devant les mobilisations haineuses d’une minorité qui empoisonnent nos territoires ?

      Nous, élu·es de l’ANVITA, membres d’ONG, d’associations et de syndicats, refusons de nous laisser dicter par l’extrême droite les orientations politiques que nous devons suivre. Nous œuvrons pour l’intérêt général au sein du pays, de nos territoires. Accueillir et porter des projets d’hospitalité est non seulement une chance pour nos collectivités : c’est un devoir moral et une obligation légale. Nous ne céderons jamais sur cet engagement.

      La réaction de l’Etat

      Nous nous questionnons également sur le retard voire l’absence de réactions et de soutiens de la part des représentant·es de l’État et du gouvernement. Yannick Morez le dénonçait lui-même dans l’émission Envoyé Spécial en avril dernier. Face à Élise Lucet, il disait ressentir : « Un abandon, en quelque sorte ».

      En tant qu’élu·es de la République et membres d’ONG, d’associations et de syndicats, nous considérons intolérable que l’État et le gouvernement abandonnent des élu·es et porteur·ses de projet confronté·es à de telles violences ! L’État doit sortir de sa posture ambivalente qui impose des projets d’une main et refuse de les défendre de l’autre ; il a le devoir de réagir avec la plus grande rapidité et fermeté lorsqu’un·e élu·e est menacé·e. À Saint-Brevin-les-Pins, ce ne sont pas seulement l’accueil et la solidarité qui ont été attaqués : c’est la démocratie et la République !

      Les collectivités et élu·es membres de l’ANVITA, les ONG, les associations et les syndicats signataires renouvellent leur engagement de rester mobilisé·es et vigilant·es à toute situation similaire. Nous apporterons notre soutien systématique et indéfectible à tout·e élu·e, toute collectivité, tout porteur·se de projet d’hospitalité visé·e. Nous affirmons qu’il est indispensable de ne plus rien céder à l’extrême droite.

      M. le Maire, bravo et merci pour votre engagement. Votre combat en faveur de l’accueil, d’une société solidaire et ouverte est le nôtre.

      https://www.gisti.org/spip.php?article7017

  • En #Tunisie, la mort d’une #fillette retrouvée échouée sur une #plage suscite l’#indifférence générale

    Le corps d’une enfant a été retrouvé sur une île de l’archipel des #Kerkennah, au large de #Sfax, en décembre dernier, dans la même position que le petit #Aylan_Kurdi en 2015. Mais contrairement à lui, sa #photo n’a pas fait le tour du monde ni engendré la moindre #réaction politique. Un #silence qui en dit long sur la #banalisation des #naufrages en mer.

    Son corps sans vie a été retrouvé échoué sur une plage, le 24 décembre dernier, vêtu d’un blouson rose bonbon et d’un collant. Âgée d’environ 3 ans, la fillette reposait sur le ventre, face contre terre. Les #îles_de_Kerkennah, au large de Sfax, en Tunisie, ont été les tristes témoins de l’ignominie qui se déroule en #Méditerranée chaque jour : les naufrages qui s’enchaînent à la pelle ; ceux que l’on connaît, parce qu’ils laissent des traces derrière eux, et ceux dont on n’a pas connaissance, qualifiés d’« invisibles », pour lesquels aucune embarcation ni dépouille n’est jamais retrouvée.

    Mais cette fois, il y a une photo. L’enfant a été découvert sur la plage de #Sidi_Founkhal au petit matin, par un habitant de Sfax, originaire des Kerkennah, qui a décidé d’immortaliser l’horreur produite par nos politiques migratoires.

    Retrouvé par Mediapart, Boulbeba Bougacha, âgé de 20 ans, raconte avoir voulu « changer d’air » en allant déjeuner avec ses proches sur la plage, aux alentours de 13 heures, le 24 décembre. « On l’a trouvée là, allongée sur le ventre. On a appelé les autorités, qui sont venues la récupérer. Ça a été un choc. On sait que beaucoup de gens meurent en mer, mais on n’est jamais préparé à voir une chose pareille. »

    Sur la même plage ce jour-là, la mer a expulsé de ses entrailles au moins trois autres corps adultes, tous subsahariens. Boulbeba s’est exprimé sur les ondes de la radio locale Diwan FM, le 26 décembre 2022. Mais, fait surprenant, ni l’information ni la photo n’ont été relayées en Tunisie ou ailleurs, hormis dans quelques rares publications sur les réseaux sociaux. On se souvient de la photo du petit Aylan Kurdi, un enfant kurde retrouvé lui aussi échoué sur une plage de Turquie en 2015, quasiment dans la même position, qui avait suscité l’émoi et l’indignation partout à travers le monde.

    Dans l’archipel de Kerkennah, où règnent les familles de pêcheurs, tout le monde ou presque a entendu parler de la fillette. Mais le choc des premières découvertes de naufragé·es en mer a laissé place, depuis plusieurs années, à une forme de #résilience. « On voit des #cadavres presque tous les jours », lâche Nasser*, qui vit de la pêche.

    Lorsque nous le rencontrons à Remla, capitale des îles Kerkennah, l’homme semble soulagé d’être enfin entendu. Au printemps dernier, il dit avoir trouvé un bébé, âgé d’à peine 2 ans. « La dernière fois, j’ai vu quatre ou cinq morts d’un coup. Quand on appelle la garde nationale, ils nous demandent si ce sont des Blancs ou des Noirs. Si ce sont des Noirs, ils ne se déplacent pas. »

    Des pêcheurs traumatisés

    Depuis les années 2000, l’archipel aux 15 000 âmes s’est transformé en lieu de départ pour les personnes souhaitant émigrer vers l’Europe, du fait de sa proximité avec l’île italienne de Lampedusa. Il attire ainsi les Tunisiens, mais aussi, depuis une dizaine d’années les Subsahariens, de plus en plus nombreux à passer par la Tunisie (et le Maghreb de manière générale) pour tenter de travailler et/ou de prendre la mer.

    « De par sa localisation, Sfax a attiré beaucoup de Subsahariens, d’abord parce que c’est la deuxième plus grande ville de Tunisie et qu’il y a un fort besoin de main-d’œuvre, ensuite parce qu’elle est proche de Kerkennah, où des réseaux de passage existaient déjà », analyse Hassan Boubakri, chercheur à l’université de Sousse et de Sfax.

    Jeudi 9 février, des militaires armés contrôlent la montée à bord du Loud, nom du ferry reliant Sfax à Kerkennah en une heure. Plusieurs hommes voyageant seuls sont mis à l’écart, contrôlés puis interrogés.

    « Les autorités surveillent beaucoup l’île désormais, poursuit le spécialiste des migrations. Les Noirs ne peuvent plus rallier Kerkennah et les Tunisiens doivent présenter un justificatif démontrant qu’ils vont travailler ou rendre visite à des proches pour s’y rendre. » Les pêcheurs qui acceptent de s’exprimer confirment tous l’information. Mais ils précisent que des départs par la mer continuent de s’organiser depuis l’archipel, sans doute par l’intermédiaire des Tunisiens y ayant leur « réseau ».

    Les départs se font aussi depuis Sfax, rendant la traversée plus longue et dangereuse pour les exilé·es. « Une journée comme ça, avec un vent du Nord plutôt fort, va nous ramener plusieurs cadavres sur l’île », assure Nasser, qui se dit traumatisé par la vue de visages défigurés ou de corps à moitié dévorés par les poissons et les oiseaux migrateurs, très présents sur l’île. « La dernière fois, j’étais tellement marqué par ce que j’avais vu que sur le trajet retour vers ma maison, j’ai dû m’arrêter sur le bas-côté pour reprendre mes esprits », poursuit-il, le regard vide et abîmé.

    Il y a aussi les squelettes, que les pêcheurs disent observer surtout sur l’île de #Roumedia, située au nord-est de l’archipel. « Il y a un corps qui est là-bas depuis l’Aïd-el-Séghir [la fête marquant la fin du ramadan – ndlr], donc depuis avril dernier. On l’a signalé mais personne n’est venu le récupérer », regrette l’un des amis de Nasser, également pêcheur.

    Un autre explique avoir culpabilisé après avoir laissé un corps dans l’eau lorsqu’il était au large : « Si je l’avais signalé à la garde nationale, elle m’aurait demandé ensuite de l’accompagner jusqu’au #cadavre. C’était trop loin et il y avait de grandes chances que je n’arrive pas à le retrouver », se justifie-t-il.

    Ce dernier se souvient également avoir trouvé, il y a quelques mois, une femme enceinte sur le bord d’une plage. « C’est très dur pour nous. On sort en mer et on ne sait pas sur quoi on va tomber », ajoute-t-il, expliquant avoir constaté une hausse des naufrages en 2022. Tous affirment que « l’#odeur » est insupportable.

    Une question, qu’ils prononcent du bout des lèvres, les taraude : les poissons qu’ils pêchent et qu’ils donnent à manger à leur famille se sont-ils nourris de ces cadavres dont personne ne se préoccupe, parce que « migrants » ?

    À #Mellita, dans le sud des Kerkennah, d’autres remontent régulièrement des corps dans les mailles de leur filet. Certains, comme Ali*, en trouvent coincés dans leur charfia traditionnel, un barrage visant à bloquer le poisson et à le rediriger vers un piège.

    Dans sa maisonnette, l’homme raconte comment il a ainsi trouvé le corps d’un homme d’une quarantaine d’années coincé sous l’eau. « J’ai appelé la garde nationale à 11 heures. J’ai attendu jusqu’à 15 heures mais personne n’est venu le récupérer. Le lendemain, j’ai retrouvé le corps au même endroit. » La garde nationale aurait invoqué un « manque de moyens ».

    Si dix-huit mille personnes ont réussi à traverser la Méditerranée depuis les côtes tunisiennes en 2022 pour rejoindre l’Italie, « au moins neuf mille migrants ont dû mourir en mer », présume un habitant des Kerkennah, qui préfère garder l’anonymat.

    Pour Hassan Boubakri, également président du Centre de Tunis pour la migration et l’asile (Cetuma), plusieurs signes viennent démontrer que l’on assiste à une #banalisation de la mort en Méditerranée, dans un contexte de multiplication des naufrages. « Il y a les #médias qui font régulièrement le décompte des morts, les pêcheurs qui ne sont plus surpris de sortir des corps de leur filet, les riverains de la mer qui souffrent d’assister à tout cela… »

    Et d’ajouter que cette banalisation se traduit aussi à travers les procédures de plus en plus standardisées pour la prise en charge des naufrages et des corps retrouvés. « Tous les acteurs impliqués, comme la garde nationale, l’appareil judiciaire, la médecine légale ou le Croissant-Rouge, sont devenus, même inconsciemment, parties prenantes de cette banalisation. Tout le monde s’accorde à dire que la Méditerranée est devenue un cimetière, alors que cela devrait susciter de la compassion. Mais on est passés de la #compassion à l’#indifférence, avec très peu de perspectives sur les solutions pouvant protéger les personnes menacées », décrypte-t-il.

    La difficile #identification des non-Tunisiens

    Face à ces drames, plusieurs acteurs s’activent, dans l’ombre, pour tenter de documenter les naufrages et permettre l’identification des victimes, comme la plateforme AlarmPhone. Pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui aide au rétablissement des liens familiaux et travaille en coopération avec le Croissant-Rouge tunisien, la recherche et l’identification des personnes disparues en mer sont indispensables.

    Si les autorités tunisiennes restent responsables pour le processus d’identification des personnes ayant perdu leur vie en mer, le CICR intervient en appui, sur la base d’une « demande de recherche », ouverte le plus souvent par un proche de disparu. Il vérifie alors les informations permettant de faire le lien avec la personne présumée disparue. Quelle est son identité ? Quels vêtements ou quels effets personnels avait-elle ? Quel signe distinctif peut permettre de l’identifier ?

    La démarche est plus simple s’agissant des ressortissants tunisiens, pour lesquels les autorités peuvent consulter le fichier des empreintes digitales et dont les familles, basées en Tunisie, se mobilisent pour les retrouver. Elle est moins évidente s’agissant des exilés non tunisiens, dont les proches restent dans le pays d’origine et n’ont pas toujours d’informations sur le projet ou le parcours migratoire de la personne disparue.

    Dans ce cas, le CICR s’autorise à prendre en compte les informations venues d’ami·es ou de connaissances ayant croisé la route d’une personne portée disparue. Mais parfois, le signalement ne vient jamais. « Certains ont peur de signaler une disparition aux ONG parce qu’ils ne font pas la différence avec les autorités. Ils ne veulent pas avoir des ennuis », commente Yaha, une Ivoirienne et entrepreneure installée à Sfax depuis six ans, qui consacre tout son temps libre à accompagner les proches de disparu·es en mer dans leurs recherches, notamment avec le Croissant-Rouge.

    À Sfax, où nous la retrouvons, Yaha rejoint deux jeunes Ivoiriens, inquiets pour un groupe de sept personnes qui ne donnent plus signe de vie. « Il y a cinq adultes et deux enfants, âgés de 2 ans et de 8 mois. Ils ont disparu depuis deux semaines. On sait qu’ils sont morts en mer. Maintenant, on veut savoir si leurs corps ont été retrouvés », souffle le premier, occupé à chercher leurs photos sur son téléphone. La fillette des Kerkennah ? Ils n’en savent rien. Le second commente : « Les gens ne préviennent pas quand ils partent. Il faut attendre qu’ils disparaissent pour qu’on le sache. »

    Tous deux iront, deux jours plus tard, dans les locaux de la garde nationale de Sfax, où ils pourront accéder au registre et aux photos des naufragé·es. Ils seront accompagnés d’un membre du Croissant-Rouge, dont la présence est censée rassurer vis-à-vis des autorités et aider sur le plan émotionnel, dans un moment particulièrement difficile.

    Identifier les personnes disparues n’est pas chose facile : durant le week-end des 28 et 29 janvier, soit la période correspondant à leur disparition, les acteurs associatifs comptent onze à douze tentatives de traversée, dont au moins trois naufrages.

    Une #morgue dépassée

    Pour l’heure, aucune demande de recherche n’a été enregistrée par le #CICR concernant la fillette des Kerkennah, que ce soit en Tunisie ou en Italie. Plusieurs acteurs locaux redoutent que ses parents soient décédés lors du naufrage. « On pense qu’il n’y a pas eu de survivants pour cette embarcation. Elle a été retrouvée à un moment où il y a eu beaucoup de naufrages. On sait juste qu’elle a la peau noire, comme les adultes retrouvés sur place le même jour », indique un membre du tissu associatif. Selon nos informations, son corps est resté un temps à la morgue de l’hôpital de Sfax, avant d’être inhumé.

    « Quand il y a un naufrage, c’est la #garde_nationale qui doit porter secours. S’il y a des personnes décédées, elle les ramène sur terre, où l’unité technique et scientifique prend des photos et des traces d’ADN. [Les corps] sont ensuite emmenés à la morgue, jusqu’à ce qu’ils soient réclamés ou qu’il y ait un ordre d’#enterrement provenant de la municipalité, pour ceux qui n’ont pas été identifiés », détaille la militante des droits humains. Problème, l’unité médico-légale de l’hôpital de Sfax, qui a une capacité de quarante places, est débordée.

    Sollicitées, leurs équipes n’ont pas souhaité s’exprimer. Mais dans un document que nous avons pu nous procurer, l’unité médico-légale fait état d’une « nette augmentation » des naufrages en mer ces dernières années, les exilé·es représentant désormais 50 % de l’activité des effectifs.

    On y apprend également que les personnes de peau noire représentent la majorité des #victimes et que les enfants, de même que les nourrissons, représentent 5 % des naufragés au large de Sfax sur le premier semestre en 2022. La plupart d’entre eux n’avaient aucun document d’identité.

    L’unité souffre de conditions de travail « difficiles », dues à un manque criant de moyens. À plusieurs reprises, des cadavres ont dû, par manque de place, être entreposés sur un brancard dans les couloirs de l’établissement. « Les migrations dépassent tout le monde, admet Wajdi Mohamed Aydi, adjoint au maire de Sfax chargé des migrations, qui évoque un manque de gouvernance à l’échelle nationale. Il y a des tentatives de traversée et des #accidents chaque semaine, voire chaque jour. On s’occupe de l’#enterrement des personnes non identifiées, en essayant de respecter au mieux leur dignité. » Lorsqu’il n’y a pas de nom, un numéro est inscrit sur la #pierre_tombale.

    Les Subsahariens confrontés à la #précarité et au #racisme

    L’élu pointe aussi un phénomène récent, celui de l’apparition d’embarcations en métal utilisées par les migrants pour la traversée (selon plusieurs sources, certains les fabriqueraient eux-mêmes, sous la houlette des réseaux de passage tunisiens).

    Une information que confirme la militante des droits humains déjà citée : « Ces nouvelles #embarcations en métal sont une catastrophe. Ils cherchent à en fabriquer un maximum de l’heure et ne les soudent pas bien. Les gens ont peu de chances de s’en sortir s’il y a un naufrage car les bateaux coulent plus vite et ils restent coincés à l’intérieur. »

    À six kilomètres au sud de Sfax, dans le quartier défavorisé de #Ben_Saïda, où vit une communauté importante de Subsahariens, Junior s’engouffre dans la maison inachevée qu’il occupe, dont les murs en briques sont restés nus. C’est ici que le jeune Guinéen (Guinée-Conakry), âgé de 16 ans, vit avec au moins soixante-dix autres jeunes, originaires de ce même pays, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Sénégal ou du Mali. Tous ont déjà tenté au moins une fois la traversée et attendent de pouvoir de nouveau tenter leur « chance ».

    Dans l’intérieur sombre de l’habitation, où des matelas et couvertures sont disposés à même le sol, des dizaines de gamins se bousculent, curieux de nous voir pénétrer leur univers. Une majorité de jeunes hommes, encore dans l’adolescence, dont le visage et les corps sont déjà usés par l’exil. « On a été interceptés par la garde nationale il y a deux semaines. Ils nous ont mis en difficulté exprès. Mon frère Mohamed est tombé à l’eau et s’est noyé », résume Junior, encore en état de choc. Il montre une vidéo de la garde nationale fonçant sur une embarcation refusant de s’arrêter en mer. Il montre aussi ses pieds blessés lors de l’interception et restés sans soins depuis.

    Les quelques femmes vivant là, seules ou avec leur enfant, disent être inquiètes pour un couple et son bébé, disparus depuis trois semaines. « On sait qu’ils voulaient traverser. On n’a plus de nouvelles, on pense qu’ils sont morts en mer. » Sur son smartphone, la bouille de l’enfant, dans les bras de sa mère souriante, apparaît.

    Malgré leur disparition en mer, elles veulent partir, elles aussi. « Mais j’ai très peur de l’eau, je ne sais pas nager », hésite l’une d’elles. Elle a quitté son pays pour fuir les violences conjugales. Elle expérimente désormais la violence des frontières.

    Junior n’a pas trouvé la force de contacter le Croissant-Rouge. « J’imagine que mon frère a été enterré. Je n’ai pas cherché à savoir car c’est trop lourd pour moi, ça me fait mal au cœur rien que d’y penser. » Les ados semblent avoir intégré le #risque de mourir en mer. Ils n’ont « pas d’autre choix », assurent-ils. « On ne peut pas rester dans notre pays et on ne peut pas rester ici. »

    Ils dénoncent le « racisme » auquel ils sont confrontés en Tunisie. « Des policiers ont volé mon portable l’autre jour. Au commissariat, ils n’ont pas voulu prendre ma plainte. Dans les épiceries, ils ne veulent pas nous vendre de riz parce qu’il y a une pénurie et qu’on n’est pas prioritaires. »

    Le membre du tissu associatif déjà cité explique : « Leurs #conditions_de_vie se sont durcies. Depuis quelque temps, un blocage a été mis en place à la Poste pour qu’ils ne puissent ni envoyer ni retirer de l’argent. » Il ajoute avoir observé, au cours des derniers mois, de nombreuses « #arrestations_arbitraires » de personnes en situation irrégulière.

    « C’est aussi ça qui pousse les gens à prendre la mer, affirme Yaha. S’ils restent ici sans papiers, c’est comme une prison à ciel ouvert. S’ils veulent rentrer chez eux, ils doivent payer une pénalité [d’un montant maximal de 3 000 dinars tunisiens, soit environ mille euros – ndlr]. Avec cet argent, certains préfèrent partir en Europe, où ils pourront offrir un avenir meilleur à leurs enfants. »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/190223/en-tunisie-la-mort-d-une-fillette-retrouvee-echouee-sur-une-plage-suscite-

    #migrations #asile #réfugiés #décès #mourir_en_mer #fille #enfant #enfance #enfants #photographie #racisme #pêcheurs #Alan_Kurdi

    ping @karine4 @_kg_

    • En Tunisie, « il faut dépasser la question des #traversées pour penser l’immigration africaine »

      Dans un contexte où le Parti nationaliste tunisien s’en prend violemment à la communauté subsaharienne et où les naufrages ne cessent de s’intensifier en mer, le géographe #Camille_Cassarini revient sur les évolutions de la présence africaine dans ce pays du Maghreb, dont les politiques migratoires n’échappent pas aux mécanismes que l’on peut observer en Europe.

      DixDix-huit mille personnes ont réussi à rejoindre l’Italie depuis les côtes tunisiennes en 2022. Un chiffre en constante augmentation ces dernières années, démontrant que la crise socio-économique, mais aussi démocratique, dans laquelle s’enfonce la Tunisie ne cesse de pousser des personnes sur les chemins de l’exil.

      À l’heure où les naufrages s’amplifient et où la découverte du corps d’une fillette, échoué sur une plage des îles Kerkennah le 24 décembre dernier, vient brutalement nous rappeler la violence des politiques de fermeture des frontières, Camille Cassarini, chercheur à l’Université de Gênes et chercheur associé au LPED/IRD, alerte sur la nécessité de reconnaître l’immigration africaine en Tunisie.

      Après avoir passé plusieurs années à Sfax pour réaliser sa thèse, ville où la communauté subsaharienne est particulièrement importante, le géographe constate qu’un certain nombre de personnes viennent d’abord pour étudier et travailler.

      « Les personnes subsahariennes sont structurellement irrégularisées par l’État tunisien et leur départ prend avant tout naissance dans ce contexte de vulnérabilité juridique », souligne ce spécialiste des mobilités africaines en Tunisie, estimant que la délivrance d’un titre de séjour et l’ouverture de leurs droits pourraient permettre à certains de se projeter en Tunisie. Il faut, dit-il, cesser de penser ces mobilités sous l’angle du transit vers l’Europe.

      Mediapart : Depuis quand observe-t-on la présence d’exilés subsahariens en Tunisie ?

      Camille Cassarini : Depuis les années 1980, avec principalement des étudiants au départ, issus de classes moyennes supérieures, venus se former dans des instituts publics tunisiens. Il y a un premier changement dans les années 1990, qui correspond au grand pari de Ben Ali sur l’enseignement privé, visant à attirer lesdites « classes moyennes émergentes » d’Afrique.

      C’est ainsi qu’on a vu arriver des Camerounais, Congolais, Sénégalais ou Ivoiriens. Au même moment, il y avait déjà des mobilités de travailleurs qui arrivaient en Tunisie puis tombaient en situation irrégulière, mais on n’en parlait pas du tout.

      Un second changement a eu lieu en 2003, avec l’arrivée de la Banque africaine de développement et de son personnel, qui, à la suite des événements en Côte d’Ivoire, a été déplacée à Tunis. En 2011 enfin, l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire a mis beaucoup d’Ivoiriens sur la route. On estime qu’il y avait alors quelques milliers d’Ivoiriens à Tunis, quelques centaines à Sfax. Ces chiffres ont connu une croissance très forte dans les années qui ont suivi. Je dirais qu’aujourd’hui, entre 30 000 et 50 000 personnes originaires d’Afrique subsaharienne vivent en Tunisie.

      Quel est leur profil ?

      On retrouve toujours une très large majorité de personnes ivoiriennes, ce qui est en soi une particularité, voire un paradoxe, car la Côte d’Ivoire n’était pas un pays d’émigration, contrairement à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. On observe surtout la présence de travailleurs, issus de deux principaux groupes socio-ethniques en Côte d’Ivoire (les Akan et Baoulé, ainsi que les Bété, proches de Laurent Gbagbo), qui, avant, ne migraient absolument pas hors de la Côte d’Ivoire et sont issus de couches sociales assez favorisées.

      Dans quelles conditions de vie évoluent-ils ?

      Jusqu’au Covid-19, tous ces groupes vivaient d’emplois relativement précaires ; pas seulement d’emplois journaliers, payés 25 dinars par jour, mais aussi de petites activités commerciales à la valise (le fait de ramener des produits du pays d’origine pour les revendre en Tunisie).

      Cette population arrivait par avion sans visa et vivait en situation irrégulière (puisque une fois passés les trois mois de séjour autorisés, ils n’ont plus de droit au séjour), dans des logements collectifs, parfois individuels et dans des conditions relativement précaires ; mais des conditions qui, au regard de leur précédente situation en Côte d’Ivoire, n’étaient pas forcément si mauvaises.

      Leur salaire leur permettait d’opérer des renvois de fonds et de soutenir leur famille. Notamment au regard du taux de change qui existait entre le dinar tunisien et l’euro, et donc le franc CFA. À partir de 2018, l’État tunisien a développé une autre politique monétaire, faisant doper les exportations et baisser la valeur du dinar. Les cordons de la bourse ont alors été de plus en plus serrés.

      Quel impact le Covid-19 a-t-il pu avoir sur les migrations de Subsahariens vers et via la Tunisie ?

      Étant donné que ces personnes vivaient majoritairement d’emplois journaliers, sur un marché du travail informel, elles ont été les premières à perdre leur emploi. Elles ont vécu une très forte précarité, notamment parce qu’elles n’avaient ni sécurité sociale, ni parachute, ni aucune structure familiale pouvant leur venir en aide. Et on a vu des choses apparaître pour la toute première fois durant cette période, comme la mendicité et le sans-abrisme. Sur le plan des arrivées, il y a eu une forte baisse des arrivées, mais cela a repris dès que le trafic aérien s’est rouvert.

      Selon les ONG, la présence des Subsahariens a fortement augmenté en 2022. Comment l’expliquez-vous ?

      Les arrivées ont augmenté, oui, mais difficile de dire dans quelle mesure. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a plus seulement que des Ivoiriens. Il y a d’autres nationalités qui ont investi cette route migratoire comme les lieux d’installation ouverts par ces mobilités. Des personnes originaires du Cameroun et de Guinée-Conakry, qui pratiquent les routes migratoires entre Afrique de l’Ouest et Afrique du Nord depuis longtemps.

      Alors qu’on les trouvait beaucoup en Libye, en Algérie ou au Maroc, les mobilités ivoiriennes ont ouvert cette route à travers la Tunisie, notamment jusqu’à Sfax. Aussi, sans doute, parce que des routes s’ouvrent et se ferment en permanence, et que les populations cherchent de nouveaux itinéraires. Chaque groupe en migration a sa propre histoire migratoire.

      Ces populations, différentes les unes des autres, cherchent-elles toutes à tenter la traversée pour l’Europe ?

      Mes travaux montrent que les Ivoiriens sont venus en Tunisie pour travailler et s’installer. Ces mobilités s’apparentent donc de plus en plus à une immigration, avec des gens qui restent plusieurs années, fondent une famille et occupent des emplois et une position sociale en Tunisie. On est face à un début d’immigration qui est appelée à rester.

      Concernant les Guinéens et Camerounais (et je le dis avec beaucoup de prudence car je n’ai pas mené d’enquête sur le sujet), on sait que ce sont des groupes connus pour rechercher une traversée vers l’Europe. On sait aussi que ce sont des groupes surreprésentés dans les demandes d’asile en Europe. C’est une donnée sur laquelle on peut s’appuyer pour faire l’hypothèse qu’ils ne sont pas forcément en Tunisie pour y rester, contrairement aux Ivoiriens. Mais il faudrait y consacrer des travaux.

      L’arrivée de nouvelles nationalités a-t-elle changé la donne pour les réseaux de passage ?

      Oui. Ces nouvelles nationalités ramènent avec elles leur expérience de la route et de la traversée. Certaines personnes sont restées très longtemps en Libye et ont acquis de bonnes connaissances dans la fabrication de bateaux. En arrivant à Sfax, qui est une ville littorale avec toute une économie de la mer, elles se sont mises à fabriquer des bateaux ou à acheter des moteurs. C’est le cas des Guinéens et des Gambiens. Aujourd’hui, on voit de nouveaux types d’embarcation en métal.

      Cela étant dit, aucune économie du passage ne se fait sans l’aval, le soutien et la protection de réseaux de passage tunisiens vers l’Europe. Les personnes en situation de domination quotidienne, sans capital social ni économique, n’ont pas les moyens de mettre en place de tels réseaux. Les Tunisiens cherchent un public, certains Subsahariens leur donnent accès à ce public-là, et ensuite, c’est de la négociation et du business. S’il y a une économie du passage des Subsahariens vers l’Europe, c’est avant tout parce qu’il y a une économie du passage des Tunisiens vers l’Europe.

      Avec l’arrivée de ces nouvelles nationalités, l’économie du passage s’est diversifiée. On a une plus grande offre du passage, pour une demande qui n’est pas nécessairement plus importante qu’avant. La conséquence de cela, c’est que les prix ont baissé. Lorsqu’il fallait payer auparavant 5 000 dinars, 1 000 ou 1 500 dinars suffisent désormais pour partir.

      Avez-vous le sentiment que le nombre de naufrages a augmenté ?

      Les organisations de la société civile disent que cela augmente. Mais depuis le début de mon travail en Tunisie, donc en 2017, j’ai toujours entendu parler des naufrages et des morts qui en découlent. L’ennui, c’est qu’on a beaucoup de mal à décompter ces naufrages, on ne sait pas exactement qui meurt, puisqu’on compte beaucoup de disparus en mer.

      En Tunisie, on sent que cette question des disparitions prend de plus en plus d’importance, d’abord chez les familles de Tunisiens disparus qui se mobilisent, mais aussi chez les familles et proches de Subsahariens, parce qu’elles sont installées en Tunisie. C’est plus compliqué en revanche pour les autres, lorsqu’ils sont en transit et n’ont pas forcément de proches en Tunisie. C’est le travail des organisations telles que la Croix-Rouge internationale que de les aider à retrouver un proche disparu.

      Ceux qui survivent à ces naufrages restent confrontés à de forts traumas et ne sont pas du tout pris en charge ensuite. Cela fait partie de toute cette architecture frontalière, qui consiste à marquer les gens dans leur mémoire, leur corps, leur histoire.

      Qu’est-ce qui pousse les gens à tenter la traversée au risque de perdre la vie en mer ?

      Je crois qu’il faut déconstruire les logiques qui amènent les gens à partir, notamment parce que j’ai connu des personnes qui avaient construit une vie en Tunisie (comme les Camerounais) et qui sont parties malgré tout pour l’Europe. Les traversées sont aussi le produit de la fermeture des frontières qui s’opère en Afrique et, sans nier l’influence des États européens dans ce domaine, il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité des États maghrébins et africains à développer leurs propres agendas stratégiques vis-à-vis de la migration.

      En Tunisie, les personnes subsahariennes sont structurellement irrégularisées par l’État tunisien et leur départ prend avant tout naissance dans ce contexte de vulnérabilité juridique : c’est parce qu’on empêche les circulations entre pays africains que ces personnes sont amenées à partir. Soit elles dépensent l’argent économisé dans le paiement de pénalités pour rentrer dans leur pays, soit elles paient une traversée vers l’Europe, le tout sous l’effet conjugué de la baisse du dinar, du renforcement de l’appareil policier tunisien et d’un climat de peur.

      Il faut donc poser la question fondamentale du droit au séjour pour les personnes subsahariennes en Tunisie. On ne parle pas de la nationalité, mais de l’obtention d’un titre de séjour qui leur ouvre des droits. Il faut dépasser la question des traversées pour penser l’immigration africaine en Tunisie.

      La Tunisie nie-t-elle l’existence de cette immigration ?

      Jusqu’ici, il n’y avait jamais eu de débat politique ou de véritable positionnement des acteurs politiques vis-à-vis de l’immigration africaine en Tunisie. Depuis quelque temps, le Parti politique nationaliste tunisien a lancé des campagnes xénophobes et racistes de lutte contre la présence africaine en Tunisie, reprenant les mêmes discours que les partis xénophobes en Europe, autour de la théorie du « grand remplacement ». Pour la première fois, un parti fonde sa rhétorique sur la présence africaine en Tunisie. Ce n’est pas anodin, parce que le pays avait toujours nié cette présence.

      Paradoxalement, cela montre que l’immigration africaine devient un sujet politique. On ne la regarde plus seulement comme une sorte d’extériorité, on la pense au regard de la société tunisienne, de manière très violente certes, mais cela fait naître de nouveaux débats. On voit d’ailleurs des acteurs de la société civile qui, en réaction à cette campagne, appellent à la régularisation. Finalement, on a une politisation latente et progressive de la question des mobilités africaines. On est bien face à une immigration.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/190223/en-tunisie-il-faut-depasser-la-question-des-traversees-pour-penser-l-immig

  • Notation des allocataires : fébrile, la CAF s’enferme dans l’opacité – La Quadrature du Net
    https://www.laquadrature.net/2022/12/23/notation-des-allocataires-febrile-la-caf-senferme-dans-lopacite


    Extrait du code source de l’algorithme de notation transmis par la CAF.

    Alors que la contestation monte (voir https://basta.media/caf, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/836200110_ddd_algorithmes_access.pdf, https://www.voxpublic.org/Pour-une-reforme-des-pratiques-numeriques-des-Caisses-d-allocations-famil ou Comment un robot de la CAF provoque des dettes automatisées au détriment de ses allocataires https://dubasque.org/comment-la-caf-a-cree-un-robot-qui-cree-des-dettes-aux-allocataires) concernant son algorithme de notation des allocataires à des fins de contrôle social, la CAF choisit de se réfugier dans l’opacité tout en adaptant, maladroitement, sa politique de communication. Suite à son refus de communiquer le code source de son algorithme, nous avons saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (#CADA).

    Comme nous l’expliquions ici, la CAF utilise depuis 2012 un algorithme de profilage attribuant à chaque allocataire une note ou « score de risque ». Construite à partir des centaines de données dont la CAF dispose sur chaque allocataire, cette note est ensuite utilisée pour sélectionner celles et ceux qui seront contrôlé·es.

    Cet algorithme symbolise l’étendue des dérives de l’utilisation des outils numériques au service de politiques de contrôle social portées par des logiques policières de suspicion généralisée, de tri et d’évaluation continue de chacun de nos faits et gestes.

    Ici, comme c’est généralement le cas par ailleurs, ce tri cible les plus précaires. Les rares informations disponibles à ce sujet laissent apparaître que parmi les critères dégradant la note d’un·e allocataire, et augmentant ses chances d’être contrôlé·e, on trouve pêle-mêle : le fait de disposer de faibles revenus, d’habiter dans un quartier défavorisé, d’être une mère célibataire ou encore d’être né·e hors de France.

    https://seenthis.net/messages/982845

    #CAF #algorithme #allocataires #contrôle_social

  • Sondages : un exécutif très attentif aux humeurs de l’opinion

    300 sondages commandés par le service d’information du gouvernement retracent les interrogations d’un pouvoir particulièrement soucieux de son image et de la perception de son action.

    Il est des questions plus instructives que les réponses qu’elles appellent. Particulièrement lorsqu’il s’agit des sondages commandés par l’exécutif pour s’enquérir de l’opinion des Français. « Pensez-vous [qu’un événement analogue à l’invasion du Congrès américain par les partisans du candidat perdant, Donald Trump] pourrait survenir en France à la suite d’une élection ? » Concernant « la démission [du ministre de l’intérieur] Gérard Collomb, diriez-vous qu’elle affaiblit (…) le président de la République ? » Edouard Philippe est-il « un homme de droite » ?
    Ces interrogations figurent, parmi des milliers d’autres, dans les quelque 300 sondages commandés entre juin 2017 et mars 2021 par le service d’information du gouvernement (SIG) et dont Le Monde a obtenu la copie, fin février.

    Questionnements sur l’actualité, prospection sur de futurs projets de loi, coups de sonde sur l’image du pouvoir… Ces études confidentielles, jusqu’alors jamais publiées, retracent, en creux, les obsessions et les inquiétudes d’un exécutif particulièrement soucieux de la perception de son image et de son action.

    A dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, ils racontent aussi l’appétit pour les remontées de terrain d’un pouvoir qui, à force de cultiver la verticalité, s’est en partie coupé d’autres thermomètres permettant de mesurer l’état d’esprit des Français, comme les élus locaux ou les syndicats.

    [...]
    Pour obtenir ces quelque 300 sondages, [le journal] a fait plusieurs demandes auprès du service d’information du gouvernement (SIG) à partir d’août 2019, en invoquant la loi du 17 juillet 1978 qui accorde à toute personne un droit d’accès aux documents de l’administration. S’il a fourni dès le départ les baromètres mensuels de « suivi de l’action gouvernementale », le SIG s’est longtemps refusé à transmettre les sondages hebdomadaires couvrant l’actualité au nom du « secret des délibérations du gouvernement ».

    Un argument qui n’a pas convaincu la Commission d’accès aux documents administratifs (#CADA). Dans un avis daté de décembre 2020, cette autorité indépendante a estimé que les études d’opinion commandées en amont des projets de réforme ne relevaient pas de ce secret, « sauf circonstances particulières, non invoquées en l’espèce ».

    Malgré cet avis favorable, le SIG a poursuivi son obstruction et nous avons dû saisir le tribunal administratif. En février, alors que le tribunal ne s’était pas encore prononcé, une partie des documents nous a été transmise. Le reste, concernant principalement les retraites et le Covid-19, ainsi que les documents postérieurs à février 2021, ne nous a toujours pas été communiqué.

    https://justpaste.it/8i6dl

    On sait maintenant qu’il y a eu des McKinsey aux réunions d’un « conseil de défense » supposé composé exclusivement de responsables d’État. La loi sur le secret des affaires (cf, le rapport public sur Orpéa non publié) montre le chemin.

    #SIG #sondages #gouvernement #accès_aux_documents_administratifs #gilets_jaunes #covid-19 #retraites #pauvreté

  • Williams Lake : 93 tombes non marquées potentielles près de l’ancien pensionnat François Macone - Philippe Moulier
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1857015/williams-lake-premiere-nation-commence-recherche-pensionnat-enfant

    La Première Nation de Williams Lake, en Colombie-Britannique, a annoncé que les résultats d’une première phase d’enquête et de recherches ont permis d’identifier 93 tombes non marquées potentielles près du site de l’ancien pensionnat pour Autochtones de la région.


    Le pensionnat pour Autochtones St Joseph’s Mission a été fondé en 1886 par des missionnaires catholiques. Il a fermé ses portes en 1981 avant d’être démoli il y a 26 ans. Photo : Ressources des pensionnats autochtones et de la réconciliation

    Les responsables de la Première Nation ont rendu publics les résultats préliminaires lors d’une conférence de presse mardi.

    Les premières recherches se sont concentrées sur un périmètre de 14 hectares. En tout, elles doivent examiner 470 hectares du pensionnat St. Joseph’s Mission, qui comprennent différents bâtiments et structures.

    Un cimetière
    Le site sur lequel se trouvent les 93 tombes non marquées potentielles héberge un cimetière. Cependant, selon Whitney Spearing, qui dirige l’équipe d’enquête, les résultats préliminaires indiquent que 50 de ces restes humains potentiels ne sont pas associés au cimetière.

    Le pensionnat St. Joseph’s Mission, ouvert de 1891 à 1981, est à quelques kilomètres de Williams Lake. Il a été démoli depuis, mais a laissé un héritage douloureux pour les survivants et leurs familles.

    “Nous avons entendu des histoires de torture, de viol et d’agression sexuelle systémiques”, a déclaré Willie Sellars, le chef de la Première Nation de Williams Lake, en faisant référence aux nombreux témoignages de personnes ayant été envoyées au pensionnat lorsqu’elles étaient jeunes.

    « Ce voyage a conduit notre équipe d’enquête dans les recoins les plus sombres du comportement humain. »
    Une citation de Willie Sellars, chef de la Première Nation de Williams Lake


    Des chaussures d’enfants sont placées sur les marches du Musée des beaux-arts de Vancouver en souvenir des enfants autochtones victimes des pensionnats.
    Photo : Radio-Canada / Ben Nelms / CBC

    L’horreur des pensionnats
    Selon Willie Sellars, l’équipe a entendu des récits de disparitions, de meurtres, de torture, de sévices, de viols et de famine. Des enfants ont été attachés à des planches et fouettés, battus pour avoir parlé leur langue. Des nouveau-nés ont été jetés dans l’incinérateur de l’école.

    Willie Sellars a déploré que ces histoires aient été “intentionnellement occultées” par la destruction des dossiers et les dissimulations des gouvernements, des autorités religieuses et de la police.

    Le chef autochtone a aussi relaté l’histoire de deux enfants âgés de 8 ans, qui ont essayé de fuir le pensionnat, et dont l’un est mort de froid. Il a aussi évoqué une correspondance de 1920, qui indique que neuf enfants ont tenté de mettre fin à leurs jours en ingurgitant du poison, dont un est mort.

    « Il ne peut y avoir de réconciliation avant qu’il n’y ait la vérité. »
    Une citation de Willie Sellars, chef de la Première Nation de Williams Lake

    Il a souligné le courage des aînés qui ont tenté par le passé de dénoncer ces actes, auxquels “personne n’a cru ou dont personne n’a voulu entendre parler. Nous devons nous assurer que le Canada est au courant de ces atrocités ”, a-t-il ajouté.

    Un travail « long et minutieux »
    Pendant 90 ans, le pensionnat a été dirigé par différents ordres religieux, mais toujours sous l’autorité de l’Église catholique. Depuis, l’archidiocèse de Vancouver a collaboré aux recherches pour établir la vérité.

    Les Premières Nations ont mis en place des mesures d’accompagnement en santé mentale pour leurs membres, mêlant “techniques traditionnelles et médecine moderne”, a expliqué Willie Sellars.

    D’après Whitney Spearing, le travail qui reste à accomplir sera “long et minutieux”, en raison de l’étende de la zone de recherche, mais aussi du manque de données, notamment pour la période de 1941 à 1980.

    Cependant, l’annonce de milliers de documents transmis par Ottawa aux communautés autochtones permettra peut-être d’avancer plus rapidement dans le processus d’identification des tombes anonymes.

    Les recherches ont utilisé la technologie de radar, qui a permis de découvrir des centaines de dépouilles près d’anciens pensionnats à travers le Canada.


    Il est estimé que plus de 150 000 enfants ont fréquenté les pensionnats autochtones du Canada depuis les années 1830. Photo : Bibliothèque et Archives Canada

    Les experts soulignent que, comme les résultats annoncés mardi sont “préliminaires”, les travaux de détections aérienne et terrestre par radar à pénétration de sol et magnétométrie devront être poursuivis.

    Les responsables des recherches précisent toutefois que la technologie de détection n’est pas totalement fiable et qu’il faudra procéder à des fouilles pour “obtenir des certitudes”. Ils en appellent au soutien des gouvernements fédéral et provincial pour poursuivre ce travail de “vérité”.

    Au lancement des fouilles à Williams Lake, en août dernier, une petite partie du site de 4,5 kilomètres carrés a été classée comme prioritaire, après des recherches approfondies sur l’histoire du terrain.

    Les violences physiques, psychologiques et sexuelles dont ont été victimes les élèves de l’établissement ont été documentées par la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

    On estime que plus de 150 000 enfants ont fréquenté les pensionnats pour Autochtones du Canada entre les années 1830 et la fermeture du dernier établissement, en 1997.

    #peuples_autochtones #histoire #disparitions #cimetiéres #enfants #pensionnat #pensionnats #école #cadavres #vol #viols #église_catholique #religieuses #religieux #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide #tuberculose

  • « Y a-t-il une vie avant la mort ? » Les Refroidis - L’insomniaque
    http://www.insomniaqueediteur.com/publications/les-refroidis

    « Y a-t-il une vie avant la mort ? » C’est la question que pose, en seize dessins cocasses et percutants, le grand caricaturiste Jossot dans ce fascicule un tantinet macabre. Et force est de constater que la réponse n’allait déjà pas de soi dans la société fraîchement capitaliste de la « Belle Époque », qui n’était belle que pour les nantis.
    Parue en 1904 dans l’hebdomadaire satirique L’Assiette au Beurre, cette variante moderne et facétieuse de la danse macabre confronte le lecteur à son propre néant et brocarde l’inanité de la simple survie, aussi piètre que dérisoire. Ennemi déclaré de ce qu’est devenue la société européenne, #Jossot, alors au sommet de son art et de sa renommée, dote ses squelet­tes grotesques de gestes et de l’usage de la parole pour mieux railler l’étroitesse d’esprit et le conformisme docile des pseudo-vivants.
    Ce petit chef-d’œuvre d’humour noir et de #poésie absurde n’a certes rien perdu de sa pertinence, à présent que la liberté ressemble de plus en plus à un fantôme et que la joie de vivre est devenue un délit.

  • #Canada Les recherches ne révèlent aucun reste humain sur le site de l’ancien Hôpital Camsell D’après les informations de Stephen David Cook
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1834031/hopital-camsell-edmonton-autochtones-arret-fouilles

    Des fouilles pour trouver des restes humains sur le site de l’ancien Hôpital Camsell, à Edmonton, ont pris fin vendredi après que des équipes n’en ont découvert aucun.

    L’établissement avait accueilli des patients autochtones du nord de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest pendant des dizaines d’années, notamment pour traiter des cas de tuberculose. Le site situé au coin de la 128e Rue et de la 144e Avenue est prévu d’accueillir des propriétés résidentielles.

    L’été dernier, un radar à pénétration de sol avait permis de creuser dans 13 endroits, mais les recherches ont été infructueuses. Jeudi et vendredi, 21 anomalies ont fait l’objet de trous dans la terre, mais seuls des débris ont été remontés à la surface.

    D’autres recherches ne sont pas prévues sur le site.

    Selon le chef de la Première Nation Papaschase, Calvin Bruneau, des préoccupations persistent étant donné que tant de personnes ont déclaré que des gens avaient été enterrés à cet endroit : “Que leur est-il arrivé ? Ont-ils été retirés et enterrés autre part ? ”

    Il dit avoir entendu des témoignages au fil des ans de projets de développement qui ne prenaient pas en compte que des restes humains pouvaient exister à certains endroits.

    “L’ennui, c’est que personne ne veut parler, affirme le chef Bruneau, qu’il s’agit d’anciens employés, d’anciens promoteurs ou de constructeurs [ …] Tout est passé sous silence. ”

    Les recherches sur le site de l’ancien Hôpital Camsell ont été financées par le promoteur immobilier. L’architecte, Gene Dub, dit avoir fait ce geste après avoir été bouleversé par la découverte au printemps des restes de 215 enfants enterrés sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, en Colombie-Britannique.

    #peuples_autochtones #histoire #disparitions #fosse_commune #enfants #pensionnat #école #cadavres #vol #viols #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide #tuberculose

  • Tombes découvertes au Canada : l’Église catholique versera 30 millions de dollars aux autochtones
    https://www.ouest-france.fr/monde/canada/tombes-decouvertes-au-canada-l-eglise-catholique-versera-30-millions-de

    Après des excuses formelles prononcées la semaine passée, l’Église catholique a annoncé, lundi, le versement de 30 millions de dollars aux survivants des pensionnats des peuples autochtones. Ces derniers mois, plus d’un millier de tombes ont été découvertes près d’anciennes institutions religieuses du pays.


    Des personnes s’embrassent devant un mémorial de fortune érigé, au niveau de l’ancien pensionnat indien de Kamloops, en hommage aux 215 enfants dont les restes ont été découverts enterrés près de cet établissements situé en Colombie-Britannique. | COLE BURSTON / AFP

    Les évêques catholiques du Canada se sont engagés lundi à verser 30 millions de dollars canadiens pour soutenir les initiatives en faveur des survivants des pensionnats pour autochtones après avoir présenté des « excuses formelles » la semaine dernière.

    Ces fonds seront débloqués sur cinq années pour « remédier à la souffrance causée par les pensionnats au Canada », expliquent les évêques dans un communiqué publié lundi 27 septembre.

    Il s’agira de « soutenir des programmes et des projets dédiés à l’amélioration de la vie » des survivants des pensionnats et de leur communauté, a déclaré Mgr Raymond Poisson, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC).

    Vendredi dernier, les évêques avaient exprimé leur « profond remords » et présenté « leurs excuses sans équivoque » aux peuples autochtones après la découverte ces derniers mois de plus d’un millier de tombes près d’anciens pensionnats dirigés par l’église catholique.

    « Traumatisme historique »
    Une nouvelle fois, les évêques reconnaissent dans le communiqué publié lundi l’existence d’un « traumatisme historique et toujours présent, causé par le système des pensionnats ».

    Dans le pays, très marqué par ces révélations, de nombreuses voix s’étaient élevées pendant l’été pour demander des excuses de l’Eglise et même du pape en personne.

    Au total, plus d’un millier de tombes anonymes près d’anciens pensionnats catholiques pour autochtones ont été retrouvées cet été, remettant en lumière une page sombre de l’histoire canadienne et sa politique d’assimilation forcée des Premières Nations.

    Quelque 150 000 enfants amérindiens, métis, et inuits ont été enrôlés de force dans 139 pensionnats à travers le pays, où ils ont été coupés de leurs familles, de leur langue et de leur culture.

    #Canada #peuples_autochtones #histoire #disparitions #fosse_commune #enfants #pensionnat #école #cadavres #vol #viols #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide

    • Toujours plus ignoble l’église catholique

      Les survivants des pensionnats des peuples autochtones devront donc faire approuver leur #projet par ceux qui :
      – Les ont volé.
      – Tué, entre autres par contamination de maladies.
      – Violé leurs enfants.
      – Tué leurs enfants dans d’immondes soit disant pensionnats.

      Et il ne faudra pas qu’ils oublient de dire merci.

  • Canada : découverte macabre dans un ancien établissement pour enfants autochtones
    https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210530-canada-d%C3%A9couverte-macabre-dans-un-ancien-%C3%A9tablissement-pour-e

    Les restes d’au moins 215 enfants seraient enterrés sur le terrain de cette école où des élèves de plusieurs nations autochtones dormaient et étudiaient entre 1890 et 1963. Des experts tentent maintenant d’identifier et de rapatrier ce qu’il reste des corps.

    Les chefs autochtones de Colombie-Britannique tentent de mettre sur pied un plan pour pouvoir rendre les restes de corps à leur famille, plusieurs décennies après leur disparition. Des historiens fouillent d’ailleurs les archives laissées par la congrégation religieuse qui gérait le pensionnat pour trouver trace des décès et des enterrements d’écoliers.

    Quatre mille enfants disparus

    Cela fait 20 ans que la communauté autochtone, où se trouve cette école, s’emploie à vérifier ce que racontent les survivants qui l’ont fréquentée. Plusieurs témoignaient des décès de leurs camarades suite à des privations, à des mauvais traitements, dans parler des épidémies. L’utilisation d’un radar a permis de détecter la présence de dépouilles dans ce pensionnat que fréquentaient environ 500 enfants autochtones chaque année.

    De tels établissements existaient aux quatre coins du Canada. Ils visaient à éduquer les jeunes selon la culture dominante, en les détournant de celle de leurs parents. Au fil du temps, plus de 4 000 enfants auraient disparu, sans que bien souvent leurs familles ne soient prévenues, ni qu’elles puissent se recueillir sur leurs tombes.