Des épidémiologistes préconisent de tenir compte du risque accru de contamination des adultes dans les foyers abritant des collégiens.
Tandis que les contaminations par le SARS-CoV-2 augmentent fortement, le rôle des #enfants et des adolescents dans la dynamique de l’épidémie de Covid-19 reste une question essentielle. Les mesures annoncées jeudi 18 mars par le gouvernement de dédoublement des lycées seront-elles suffisantes ? Depuis septembre, la France est parvenue à garder ses établissements ouverts, en imposant le port du masque dès l’école primaire et un mélange de présentiel et de distanciel au lycée.
« Les écoles ne semblent pas constituer des amplificateurs de transmission : la circulation du virus en milieu scolaire reflète plutôt celle qui est observée au sein de la collectivité » , a indiqué le conseil scientifique dans son avis du 11 mars. Il s’appuie un éditorial publié dans le British Medical Journal , signé par plusieurs épidémiologistes dont le professeur Arnaud Fontanet (Institut Pasteur), membre du conseil scientifique. « Les enfants continuent de faire des formes plus légères de la maladie, et très peu d’études suggèrent que les enseignants seraient plus à risque que d’autres professions », résume Arnaud Fontanet.
Mais concernant la transmission du virus, les choses varient selon l’âge, comme l’a montré Comcor, une étude que le professeur a conduite avec ses collègues de l’Institut Pasteur, à l’état de prépublication et régulièrement mise à jour. Le risque majeur est en effet que les enfants ramènent le virus au domicile, où il n’y a pas de mesures barrières, et qu’ils le transmettent à leurs parents et grands-parents, davantage sujets aux formes graves de la maladie – sans compter l’impact psychologique que cela peut avoir. Ainsi le fait d’avoir un collégien ou un lycéen ou un enfant gardé par une assistante maternelle accroît le risque pour les adultes du foyer d’être infectés de respectivement 27 %, 29 % et 39 %, souligne ce travail. Quand l’enfant est en maternelle, ce surrisque est de 15 %. Mais avoir un enfant en école primaire n’est pas, jusqu’alors, associé à un surrisque d’infection. « Il reste généralement admis que les enfants de moins de 10 ans sont 30 % à 50 % moins susceptibles d’être infectés, constate le professeur Fontanet. En revanche, les avis sont partagés sur la contagiosité. »
L’arrivée du variant anglais, environ 60 % plus contagieux, qui devrait représenter 90 % des cas fin mars, pourrait changer la donne. La prochaine analyse, prévue courant avril, devrait éclairer les choses.
Contagiosité accrue du variant anglais
En attendant, les derniers chiffres inquiètent. Le nombre de contaminations augmente parmi les 12,4 millions d’élèves français : 15 484 ont été contaminés dans la semaine du 11 au 18 mars, contre 9 221 la semaine précédente, et 1 809 personnels (1 106 une semaine auparavant), selon ▻https://www.education.gouv.fr/covid19-point-de-situation-du-vendredi-19-mars-2021-322762" target="blank" rel="noopener" title="Nouvelle fenêtre" >le dernier point de situation du ministère de l’éducation nationale. De même, le nombre de classes fermées a augmenté de 833 à 2018 en une semaine. Cette hausse est en partie imputable à la multiplication des tests salivaires (250 000 tests réalisés au soir du vendredi 20 mars) mais sans doute aussi à la contagiosité accrue du variant anglais. La situation est particulièrement tendue en Ile-de-France et Hauts-de-France.
Au regard de la forte poussée épidémique, faut-il aller plus loin ? « Le dédoublement des classes, un jour sur deux ou une semaine sur deux, devrait également être discuté pour les collèges », préconise Arnaud Fontanet. Il propose aussi que les mesures mises en place en Ile-de-France et en Hauts-de-France le soient dans d’autres départements connaissant une poussée épidémique forte, et un taux d’occupation déjà élevé des lits de réanimation, « afin de tester leur efficacité qui repose sur l’adhésion des Français, le principal objectif étant d’éviter les réunions en lieu privé, à son domicile ou ailleurs, là où beaucoup d’infections ont lieu », rappelle-t-il. Quitte à y être moins strict sur la fermeture des commerces.
Pour Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, « si on veut limiter drastiquement la circulation du virus, il n’y a pas d’autre solution qu’un confinement strict et la fermeture des écoles ». « L’école joue un rôle, c’est indéniable, la durée des contacts, leur nature, leur fréquence, constituent autant d’ingrédients pour la transmission du virus »_, explique le professeur Zureik.
« Ne fermer les écoles primaires qu’en dernier recours »
La France fait figure de quasi-exception en la matière. Car de nombreuses études mettent en évidence l’impact délétère de la fermeture des écoles sur la santé mentale des enfants et sur leur apprentissage, particulièrement pour les enfants du primaire de milieux défavorisés. « La balance bénéfices-risques penche clairement en faveur de l’ouverture des établissements scolaires », rappelait dans nos colonnes, le 17 mars, la pédiatre Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie (SFP). « Les situations de stress, d’anxiété, de syndrome dépressif, sévices sur enfants, sont en forte augmentation, d’où l’intérêt majeur à laisser les écoles ouvertes », renchérit le professeur Alexandre Belot, rhumato-pédiatre à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon, également membre de la SFP.
Dans son dernier avis, le conseil scientifique préconise « de ne fermer les écoles primaires qu’en dernier recours » mais les laisser ouvertes doit s’accompagner « de mesures efficaces de réduction du risque ». Tous les observateurs demandent plus de dépistages ciblés. « Il faudrait s’inspirer d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Autriche qui diffusent largement les #autotests : deux tests par semaine dans les écoles primaires, un par semaine dans le secondaire », préconise Arnaud Fontanet. Pour ralentir, voire casser les chaînes de transmission.
Les syndicats déplorent un protocole sanitaire insuffisant [eh ben, depuis le temps...ndc]. « Le déni du ministre de l’éducation nationale [Jean-Michel Blanquer martèle que le virus circule peu à l’école] a retardé de plusieurs mois des mesures de protection nécessaires pour faire baisser la circulation du virus », regrette Mahmoud Zureik. Ce sont, par exemple, l’#aération, les #extracteurs_d’air, penser autrement les #cantines, etc. Un constat partagé par le collectif Du côté de la science, dont il fait partie. « L’objectif de laisser les écoles est noble, mais il faut s’en donner les moyens », tranche l’épidémiologiste.